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540 PHILOSOPHIE. scandaleuse violation de la fraternité humaine. Mais ces aspirations ont toujours été déçues par la réalité, et l'humanité, malgré des temps d'arrêt, et tout en protes- tant contre elle, s'est constamment laissée entraîner vers la guerre, comme vers un prisme éblouissant, comme le papillon se précipite aveuglément vers la lumière où il trouve la mort. Aussi, ne craignons pas de le dire, la paix perpé- tuelle ne sera jamais qu'un rêve généreux. La guerre, selon nous, existera toujours ; elle ne sera pas suppri- mée par le progrès des idées et par les cheminements de la civilisation. Elle existera toujours, parce qu'elle est un fait provi- dentiel et nécessaire ; parce qu'elle est un Qéau éternel et divin ; parce qu'elle fait partie intégrante des desti- nées de l'homme ; parce qu'il ne pourrait vivre sans elle. La guerre, qui semble en théorie une négation du sens commun, est cependant un des éléments de la vita- lité des hommes et des nations; c'est un de ces sels amers dont l'humanité a besoin comme stimulant et comme remède. Admettons un instant une utopie que bien des géné- rations encore passeront sans voir se réaliser. Suppo- sons que l'ambition disparaisse du cerveau des souve- rains ; que la soif des conquêtes s'éteigne à tout jamais dans leurs cœurs et ceux de leurs peuples ; que les idées de justice distributive et de droit international arrivent à ce degré où les nations auront un respect profond et inviolable de leurs droits réciproques ; où la délimita- tion rationnelle des Etats aura amené l'équilibre des