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                    MONT SAINT-BERNARD.                     407

 ele, si à celui-ci pouvait appartenir l'honneur de l'avoir
 conçu. Non-seulement les merveilles de notre civilisation
n'ont point éclipsé cet établissement sorti de la barbarie du
moyen-âge, il excite encore, chaque année, l'admiration de
tous ceux qui le visitent. Le vieil esprit des enfants de saint
Bernard est au niveau des pensées les plus libérales de la
moderne philanthropie. Bien plus, celle-ci, qui semble rou-
gir de la charité et qui, quand il s'agit de soulager les be-
soins de l'espèce humaine, introduit, à la place de la fille du
christianisme, une sœur bâtarde appelée Bienfaisance, la phi-
lanthropie n'a jusqu'ici rien imaginé qui vaille cette maison
si simple bâtie par un prêtre inspiré de la charité.
   Qu'est-ce à dire? Quand on voit comme le temps use
toutes choses et avec quelle rapidité les établissements hu-
mains disparaissent, remplacés par d'autres, au milieu du
perpétuel mouvement qui emporte le monde, l'existence de
l'hospice du Grand-Saifit-Bernard, après neuf cents ans, pa-
rait presque un problème. Elle n'en est pourtant pas un pour
le philosophe qui a médité d'une manière attentive sur la na-
ture des institutions de la charité chrétienne : car celle qui
nous occupe n'est pas là seule qui ait une longue histoire.
Sans doute, le principe divin d'où elles émanent leur com-
munique quelque chose de son immutabilité; mais elles
fournissent, dans l'objet même qui les concerne, une autre
raison de leur durée. A l'inverse du progrès, ce demi-dieu
dés sociétés modernes, qui s'adresse aux mille convoitises
de l'homme, la charité chrétienne s'attache au côté réel de
notre nature. Voila pourquoi ses institutions ne varient guère.
Le progrès passe, parce qu'il court après un idéal de bien-être
qu'il ne saisit jamais; la charité chrétienne est immobile, parce
qu'elle n'a d'autre but que de porter secours a nos éternels,
besoins, laissant aux promesses de la vie future le soin de
nous rendre heureux.
                                     L'ABBÉ CHRISTOPHE.