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66                               HISTOIRE

des environs venaient se promener sous l'épais feuillage des
grands arbres de la cour du château, égayant par le frais
éclat de rire des jeunes filles les vieux échos du manoir, tan-
dis que les enfants couraient dans les ruines, poussant des
cris et s'effrayant devant la mystérieuse ouverture des ou-
bliettes et des cachots.
   Le souvenir de ces ruines était resté profondément gravé
dans mon esprit ; aussi, apprenant que la libéralité du dernier
baron de Varey les avait magnifiquement relevées, fus-je
heureux de pouvoir contempler une restauration si géné-
reuse, si rare et si peu en rapport avec les savants calculs
des économistes de nos jours.
   Par une des plus jolies et des plus chaudes matinées du
printemps dernier, je quittai Saint-Jean-le-Vieux et, re-
montant le cours du Rieux-l'Oiselon, je m'engageai sous la
verdure des aulnes, des noyers et des saules qui bordent le
chemin des montagnes. La végétation était d'une richesse
extrême. A ma droite, une colline boisée bornait l'horizon ;
à gauche, la vue, plus étendue, se portait alternativement
sur le beau manoir de Champollon, ancienne résidence des
Louvat de Champollon, aujourd'hui séjour d'été d'un magis-
trat écrivain et philosophe (1), sur le riant village de Juju-
rieux, dont un enfant du pays a écrit l'histoire (2), et sur les
vastes manufactures d'un négociant habile et renommé, qui a
su, au milieu d'une population qu'il enrichit, concilier les
exigences de l'industrie avec celles de la vertu et des
mœurs (3). Des paysans bienveillants et polis saluaient mon
passage d'un de ces bonjours affectueux dont la tradition se
perd.
     Tout respirait dans ce pays l'aisance qui donne le respect

     (1) M. Gilardin, premier président de la Cour impériale de Lyon.
     (2) M. le conseiller Durand.
     (3) M. Joseph Bonnet.