page suivante »
PHILOSOPHIE. 581 nostalgie des combats et brûlent d'y voler de nouveau au premier son du clairon. Non, il est impossible, quand on médite ces choses, si contraires en apparence à l'ordre de la nature, de n'y pas voir une marque providentielle et une fatalité supé- rieure. Si la guerre était un phénomène purement con- tingent, et une simple déviation du sens moral de l'hom- me, elle n'offrirait pas ces caractères transcendants; il faut chercher sa raison d'être dans un ordre d'idées surnaturel et surhumain. C'est une des entités et des forces virtuelles concourant au fonctionnement de l'uni- vers; les yeux du contemplateur et de l'initié ne la ver- ront jamais sous un autre aspect. C'est là , disons-nous, c'est dans cet ordre de pensées qu'il convient de placer la raison d'être métaphysique de la guerre. Ne la cherchons pas ailleurs. Les apologistes de ce mystérieux fléau ont souvent essayé de le glorifier par des considérations étrangères aux visées que nous signalons, et d'un ordre beaucoup plus positif et réaliste. Par eux, la guerre est représentée comme investie d'une grande mission internationale, comme un des plus puissants agents de la civilisation. Grâce à la guerre, disent-ils, les nations se connaissent mieux: et apprennent à s'estimer. Les champs de bataille sont un lieu où s'ac- complit d'une manière latente la fusion des races et des idées ; c'est le creuset où s'élaborent l'unité et la frater- nité tant rêvées de tous les peuples du monde. Dans le système de ces écrivains, la guerre n'est que l'anticham- bre de la paix universelle, et l'utopie de l'excellent abbé de Saint-Pierre ne pourrait être mieux réalisée que par le canon et le sabre.