Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                         PHILOSOPHIE.                     555

composé d'ombre et de lumière, de terrible et de sublime,
de larmes et de sourires. C'est le mythe de la Sirène an-
tique dont le poète a dit :
        Desinit in piscem millier formosa superne.
    Oui, la guerre entre dans les desseins de la Providence;
 c'est une soupape sociale, l'exutoire, le dérivatif des
 nations. Elles en ont besoin comme un malade a besoin
 de saignées et de moxas. C'est un choc salutaire, une
 secousse héroïque à l'aide desquels elles franchissent plus
 alertes et plus saines la carrière de siècles que Dieu leur
 trace. Sans la guerre, elles ressentiraient une pléthore
 sociale qui les conduirait à d'étranges et incalculables
 malaises ; l'apoplexie les tuerait comme les individus. La
 dégénérescence et l'abâtardissement les envahiraient pro-
 gressivement ; une moisissure fétide s'attacherait à leurs
 flancs ; des tubercules hideux et dissolvants attaque-
 raient les organes vitaux des sociétés.
    Avec la suppression de la guerre, que deviendraient
 les âmes nées guerrières ? Quel serait le sort de ces
 âmes de feu, de ces natures ardentes qui ne peuvent
 vivre que dans les camps, comme le poisson ne vit que
 dans l'onde ?
    Il y a et il y aura toujours de par le monde, qu'on le
 sache bien, uneioule d'organisations exclusivement mi-
litaires qui ne sentent d'issue à leur sève que dans les
combats. Supprimez pour elles cet exutoire, et vous en
ferez autant de volcans ambulants et terribles qui boule-
verseront le monde à leur manière. Vous aurez beau offrir
à ces êtres inquiets d'autres carrières de péril et d'acti-
vité, ce ne sera qu'un vain palliatif; ils se prendront tou-
jours à regretter l'ivresse des batailles et les âpres voluptés