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586                     PHILOSOPHIE.

de la vie guerrière. A toutes les époques où régna une
paix prolongée, la société éprouva un étrange malaise,
une indéfinissable langueur. On vit surgir de son sein
beaucoup d'hommes impétueux et déclassés qui tour-
noyaient et s'agitaient dans les villes et les champs
comme une bête sauvage inquiète tournoie dans la cage
où on l'enferme. Ils avaient une existence fébrile et sans
but ; ils exhalaient en plaintes amères et en entreprises
désordonnées leur hystérie martiale. Ce sont, au sein de
la société, autant de marécages pestilentiels que la guerre
canalise et purifie.
   La disparition complète de la guerre amènerait dans
la généralité des caractères un abaissement inévitable.
Les traditions d'honneur, de courage, de sacrifice et de
mépris de la mort s'effaceraient peu à peu,'et les nations
n'offriraient plus qu'un assemblage d'existences égoïstes,
froides et pusillanimes, pire encore que la société du
Bas-Empire. Enfin l'esthétique perdrait une des princi-
pales sources qui l'alimentent; une corde essentielle
ferait défaut à la lyre universelle que la nature fait vibrer
sur mille tons divers entre les mains des arts.
   Nous croyons donc sincèrement à la nécessité fatale et
divine de la guerre. C'est un mal, mais un mal inévitable.
Nous regardons comme de généreuses illusions les chari-
tables efforts qu'ont fait depuis quelques années des
hommes d'Etat et des publicistes pour déterminer l'ex-
tinction de ce fléau dans le monde civilisé.
   L'apostolat de M. Cobden et de ses adhérents, les
congrès de la paix, les écrits des économistes et des phi-
losophes, n'amèneront jamais, selon nous, l'adhésion im-
muable des peuples à la pratique de la paix perpétuelle ;