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DES APTITUDES. ' 509 cette confusion, puisqu'elle détruit d'un côté les lois des rapports, des proportions et de l'harmonie, comme de l'autre, celles de la liberté, de la justice et de l'amour. Religion du beau, qui est essentiellement distingué, c'est-à -dire distinct dans sa forme admirable, l'art ne saurait donc élever de temple, dresser d'autel, façonner de statue, peindre d'image, chanter d'hymne enfin, à ce Dieu Pan, si monstrueusement informe, qu'il ne se distingue pas plus de celui qui l'affirme que de celui qui le nie. Mais si l'art est essentiellement forme, n'affirme-t-il pas aussi, par la même, qu'il recouvre une substance manifes- table aux yeux de l'esprit comme à ceux du corps , et qu'il n'est autre lui-même que cette manifestation ? Ce mot de substance, qui nomme si mystérieusement l'être, n'est-il pas le corrélatif nécessaire de celui de forme; et fétymologie, à elle seule, ne fait-elle pas entendre que la substance est l'intime profond de la forme et comme le support caché de cette écorce de l'être? Il faut donc renoncer a parler la langue de l'art, si l'on ne veut pas voir, dans le rapport de ces deux mots premiers de son vocabulaire, la preuve de l'existence corrélative des deux mondes de la matière et de l'esprit, autant que de la manifestation de l'un par l'autre. Donc l'art, idéal et expressif en son essence, n'est autre chose en sa réalité que l'éloquente révélation du mystère de l'être, la preuve visible de ce monde invisible qui est l'im- mortelle patrie des esprits, si l'on peut ainsi dire, vraiment spirituels ; et c'est ainsi que l'art se rattache nécessairement a la science spéculative la plus relevée. A ce raisonnement strictement scientifique, ajoutons en- core l'impression que produit sur tout homme de sens la seule contemplation de l'œuvre d'art. En vain, en effet, l'auteur de cette oeuvre se sera-t-il, depuis longtemps peut- être, couché dans la gloire ou l'oubli de sa tombe ; l'idéal que