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810                      DES APTITUDES.

cet être disparu a ainsi incarné en des formes matérielles,
quedis-je? en de simples signes graphiques, cet idéal y
brille, y palpite aussi radieux, anssi sympathique qu'au pre-
mier jour; et si la main d'un barbare ne brise pas, n'anéantit
pas ces chefs-d'œuvre de l'imagination ou de la pensée, ils
feront vivre dans le plus lointain avenir les expressions
exquises dont ils portent l'empreinte.
    Or, se pourFait-il que l'être eût ainsi pu transmettre à l'i-
nerte matière des richesses de vie dont il n'eût pas eu en soi la
virtuelle possession? L'éphémère eût-il pu produire le dura-
ble ; et le périssable, l'éternel ?Non, assurément, lorsque nous
contemplons d'un regard avide les merveilles enivrantes
des arts, lorsque nous subissons l'irrésistible fascination des
formes et des expressions enfantées par le génie des maîtres,
lorsque les œuvres littéraires et musicales se transfusent en
quelque sorte dans nos esprits et nos âmes, et que nous
nous sentons comme ravivés au feu toujours ardent des
pensées et des sentiments formulés par leurs grands au-
teurs, nous ne saurions admettre que tous ces flots de vie
ont tari la source qui les a versés, que l'éternité est refusée
à qui la donna, et que tous ces vivants immortels ne sont
plus que d'illustres morts. Cette immortalité présente sym-
bolise l'immortalité luture et colore les rayonnements de la
gloire des vives lueurs de l'espérance. Mais est-il même
besoin de l'œuvre du génie pour nous attester la permanence
de l'être ? Toute vie intime n'en offre-t-elle pas la preuve la
plus touchante ? Celui qui se laisserait aller à douter de ce
grand dogme métaphysique n'aurait jamais tenu dans ses -
mains émues, jamais arrosé de ses larmes les plus amères
la simple relique d'écriture d'un être aimé endormi dans la
tombe ; il n'aurait pas été le correspondant intéressé de
cette âme survivant ainsi a la dissolution du corps; et,
s'il avait traversé une telle épreuve sans y retremper la