page suivante »
MONT SAINT-BERNARD. 403 rins relevèrent, sur les ruines de son temple, la statue du vieux Jupiter Pennin et lui faisaient rendre des oracles, à l'aide desquels les grossiers habitants du lieu furent ramenés aux superstitions du paganisme. C'est un contem- porain, Richard de Val d'Isère, qui nous apprend cette par- ticularité presque incroyable, et ce contemporain est l'auteur même qui a écrit la vie du saint personnage auquel la Pro- vidence devait confier la mission de restaurer, d'une ma- nière définitive, l'œuvre de la charité chrétienne sur le sommet du Mont-Joux. Nous venons d'indiquer Bernard de Menlhon. Il naquît en 923 au château de Menthon, que l'on voit en- core aujourd'hui sur la colline qui domine la rive septen- trionale du lac d'Annecy. Son père était un puissant sei- gneur dans le monde, et Bernard semblait destiné à conti- nuer la grandeur de sa maison ; mais une de ces irrésistibles inclinations que Dieu envoie 'a ses saints le portait a se con- sacrer au salut des âmes. La veille même du jour où l'on de- vait célébrer ses noces, il s'enfuit du toit paternel et se ré- fugia à Aoste, où une complète ignorance du lieu de sa re- traite empêcha de venir l'y troubler. Agrégé parmi les cha- noines de cette église, Bernard étendit avec succès ses tra- vaux évangéliques sur les deux versants opposés des Alpes et fut fait archidiacre. C'est revêtu de cette d'gnité qu'il nous apparaît tout à coup, de 965 à 970, car l'histoire n'indique aucune date précise, pour affranchir le Monl-Joux. Dans le cours de ses missions apostoliques, Bernard avait pu connaître l'état déplorable du Monl-Joux, la barbarie de ses habitants, les périls auxquels étaient exposés les pèle- rins qui s'aventuraient 'a le traverser, et son âme ardente conçut le dessein d'y relever l'empire protecteur du Christ. Suivant le récit de Richard de Val d'Isère, il s'agissait d'a- bord de détrôner la statue de Jupiter Pennin, de mettre en