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398 MONT SAINT-BERNARD. Antérieurement à César, l'opinion s'était établie qu'Annibal avait franchi les Alpes en cet endroit pour aller frapper en Italie les grands coups qui ébranlèrent la république romaine. Comment cette opinion avait-elle prévalu ? Jl ne serait pas facile de le dire. Le texte de Polybe, si favorable qu'il soit aux commentaires, ne permet nullement d'en induire un tel fait. Il faut donc supposer qu'une première assertion, répétée plusieurs fois sans éprouver de contradiction sé- rieuse, aura peu à peu accrédité et rendu populaire ce senti- ment erroné (1). Xite-Live le combat par son récit et par ses raisonnements (2). Toutefois ni l'autorité ni. les argu- ments de ce grand historien n'ont suffi à le renverser. Des savants comme Pline l'ancien l'adoptèrent (3); Ammien Marcellin y incline (4) ; Isidore de Séville (5), Paul Diacre Warnefried, le soutiennent (6); Luitprand le reproduisit au Xe siècle (7) ; il'en trouva, dit-on, le souvenir écrit sur la roche de Donaz (8). Mais Napoléon, dans ses mémoires, en a démontré l'invraisemblance par des considérations stra- tégiques si imposantes que les vagues' données fournies par l'érudition ne peuvent même plus lui servir d'appui (9). (1) Vulgo crcdere. Tite Live, lib. XXI, c. 38. (2) Ibidem. (3) Dcin Salassorum Augusla Prœtoria, juxta geminas Alpium fores Gaias atquc Pœninas. Ilis Pœnos, Graiis Hcrculcm transisse memorant. Hist. nat. lib. XII, c, 2 1 . (4) Ex hâc causa surit Alpes excogitatœ Pœninœ. lib. XV, c. 10. (5) Origin. lib. XIV. c. 8. (6) Alpes aulem Appenninœ dicta; sunt a Punicis, hoe est, Annibalc et ejus exercitu, qui per casdem Romam tendentes transitum habucrunt. De gestis Langob. lib. II, c. 18. —Voir Walkenaer, Géographie ancienne des Gaules, t. I, p. 550. (7) Arnulfus per Hannibalis viam quam Bardum dicunt et Montem-Jovis repedare disposuit. Hist. lib. I. c. 9. (8) Raoul Rochettc, Lettres sur la Suisse, in-fol. lettre 2 3 . (9) T. 8, p . 209 et suivantes.