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MONT SAINT-BERNARD. 397
légumes, fruits, bois de chauffage, denrées de toute espèce,
et cela a dos de mulet et en petite quantité a la fois. Que de
peine, que de temps ne faut-il pas pour fournir seulement e
nécessaire à des milliers de voyageurs qui se succèdent sur
ce col glacé ! Et pourtant, on prodigue toutes choses comme
si l'on était au sein de l'abondance. Quelles sommes immen-
ses n'exige pas un si difficile approvisionnement de tant
d'objets divers ! Encore si l'hospice jouissait de grandes
ressources ! Mais il n'a, pour subvenir a son coûteux
entretien, que des possessions limitées, le produit des quêtes
et la libéralité des voyageurs aisés. Et, toutefois, on ne parle
jamais à personne de rétribution d'aucun genre. La charité
qui vous accueille au Saint-Bernard pousse la délicatesse
jusqu'à détourner les regards de la main qui donne. Le tronc,
destiné a recevoir l'aumône du riche, est caché dans un coin
de l'église, où il faut'le chercher pour le découvrir. Mais la
Providence supplée à tout. La, plus qu'ailleurs, elle semble
multiplier ses dons, et il n'y a pas d'exemple que jamais
rien ait manqué au pèlerin qui passe. Honneur à la France!
elle est la seule nation de l'Europe qui tende la main a un
établissement fondé pour soulager les besoins de tous les
peuples !
Une histoire du Saint-Bernard, écrite avec le soin qu'elle
mérite, composerait un beau volume. On pourrait montrer
que la connaissance et la pratique de ce passage remonte a
la plus haute antiquité. César (1) dit que de son temps les
dangers des tempêtes n'étaient pas les seuls qu'y rencon-
traient les voyageurs, que ceux-ci y étaient rançonnés par
les gens du pays et que la légion de Galba avait été envoyée
à Oclodurus précisément dans le but de faire cesser «e bri-
gandage.
(1) De Belle Gallico, lib. liî, c. 1.