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% MONT SAINT-BERNARD. 393 le bruit monotone des clochettes des troupeaux qui paissent le peu d'herbe que produit un sol rocailleux. Une maison de secours, à laquelle on a donné le nom de Cantine et où les pèlerins trop fatigués trouvent encore des rafraîchisse- ments et des montures, est, à cinq kilomètres du bourg Saint-Pierre, la dernière station de la vie. L'isolement de cette maison, ses rares et étroites ouvertures, la pâle blan- cheur de ses murailles, qui se détache sur le fond noir des rochers, lui prêtent un air de mélancolie qui passe sur le Iront de ceux qui arrivent. Ici le voyageur, sans qu'il s'en doute, devient sombre et réfléchi ; il promène un triste r e - gard sur ces campagnes que la végétation abandonne peu à peu, où il n'y a plus un seul arbre et où les avalanches et les torrents ont amoncelé les ruines de la montagne. Uu brouillard humide l'enveloppe souvent, même au milieu de la canicule, et lui dérobe la vue des objets les plus rappro- chés ; il marche sur la neige, et quand enfin il touche sans les voir aux murs de l'hospice, terme de ses désirs, il suc- combe au froid; à la faim et à la fatigue. C'est dans cet état que j'y arrivai, avec les derniers rayons du jour, qu'une brume épaisse achevait d'éteindre. Quand je me pris à penser que j'aurais pu, même au mois de juillet, m'y présenter dans de bien plus mauvaises conditions, par exemple au mi- lieu d'une tourmente qui m'aurait assailli de grêle bu de neige, que de nombreux voyageurs y arrivent dans la saison la plus rude de l'année, à travers les rigueurs d'un hiver digne des régions polaires, j'appréciai doublement la con- fortable et cordiale hospitalité que l'on reçoit au Saint- Bernard. A peine entré dans l'hospice, vous êtes accueilli par des religieux qui semblaient vous y attendre, vous serrent la main comme a des amis, bien qu'ils ne vous aient jamais vu, et vous placent 'devant un bon feu, dont on a toujours