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336 LA NOBLESSE EN FRANCE. Mais il y a une troisième source de la noblesse qui est restée inconnue aux Grecs et aux Romains ; c'est la fa- culté d'anoblir dévolue au chef de l'Etat, au prince, aux premiers magistrats des républiques. C'est cette source qui a précisément été la plus féconde au moyen âge et dans les temps modernes; c'est d'elle que découle la bonne moitié de la noblesse actuelle. La non existence de cette précieuse prérogative dans l'aristocratie anti- que forme une des différences les plus importantes qui la séparent de celles qui lui ont succédé (1). Il y a encore une autre nuance essentielle : c'est celle qui résulte de l'institution de l'esclavage. Etre libre dans l'antiquité, ingenuus, était une qualité souveraine et ca- pitale-Un homme libre, même plébéien, était mille fois au-dessus et en dehors de toute comparaison avec un esclave. Cela rendait beaucoup moins sensible la dis- tance qui le séparait du patricien. Tous deux jouissaient en commun et au même degré d'un trésor inestimable, la liberté. Le patricien n'avait sur le plébéien libre que l'avantage de son rang, et ce rang ne lui conférait que des privilèges purement honorifiques, tels que le droit exclusif à Rome de conserver les portraits des ancêtres. Mais ils étaient tous deux égaux devant la loi, la justice, l'impôt et les charges. 11 n'en fut pas de même dans la noblesse féodale. Qui- conque était roturier, fût-il serf ou du tiers-état, était atteint d'une tache indélébile. L'esclavage proprement dit avait disparu avec la diffusion du christianisme ; le (1) Il convient pourtant de dire, pour être exact, que l'on trouve la trace do quelques rares- anoblissements faits par concession impériale. Commode et deux ou trois de ses successeurs en ont fourni l'exemple.