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334 LA NOBLESSE EN FRANCE. vilége et de démarcation sociale. La nation est divisée en deux catégories distinctes, les patriciens et les plébéiens; une lutte de plusieurs siècles règne entre ces deux frac- lions rivales d'un même peuple. L'une est tenace, l'autre agressive. Les plébéiens arrachent pied à pied le terrain sous les pas des patriciens ; ils conquièrent un à un les libertés, les charges et les privilèges dont ces derniers s'étaient réservé la possession exclusive. On distingue dans cette guerre intestine l'acharnement et l'audace d'une plèbe, ou mieux, d'un tiers-état qui se sent, au fond, une origine égale et identique à celle de ses maî- tres, et qui demande constamment à ces derniers le pourquoi de leur supériorité. Une noblesse n'a guère de prestige réel sur les masses, qu'autant qu'elle se perd dans la nuit des temps ; mais lorsque son berceau est trop connu, elle n'a plus les mêmes chances d'en imposer. En réalité, le plébéien du mont Aventin ne voyait que ses pairs dans ce patriciat sorti comme lui d'un ra- massis d'aventuriers dont Romulus fut le chef. Il se di^ sait que le hasard seul ne l'avait pas mis au nombre des cent sénateurs que le nourrisson de la louve avait choisis presque à l'aventure parmi ses subordonnés, pour en faire l'aristocratie de son royaume naissant. Mais enfin, malgré ces luttes et ces discussions, un fait n'en reste pas moins constant, c'est la prépondé- rance et la suprématie du patriciat sur la classe plé- béienne. Les familles sénatoriales, consulaires, sacerdo- tales, constituent dans la république, une catégorie spéciale et privilégiée dans laquelle se recrutentles titu- laires de tous les grands emplois publics. Au-dessous de cette grande aristocratie s'en place une autre secondaire