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218 ÉLOGE SE RAVEZ. eût dit qu'il s'était déjà assis dans ses conseils. Sa parole était pleine, forte, précise. La clarté lumineuse de ses ex- positions lui servait d'exorde, et la pressante vigueur de ses résumés lui tenait lieu de péroraison. Dédaignant les digres- sions retentissantes des écoles du temps, marchant droit au but, sans se détourner jamais pour des ornements para- sites, demandant à la logique toutes ses armes, il inaugu- rait cette éloquence d'affaires, si propre aux instincts impatients de ce siècle positif, qui est devenue le trait dis- tinctif et la véritable supériorité des grands maîtres. Ravez excellait surtout à envelopper son adversaire dans les plis redoutables de son inflexible dialectique, h ne laisser à sa résistance aucun refuge, et h le terrasser enfin sous le poids de sa raison victorieuse. On a dit que la parole de Martignac était une lyre; celle de Ravez pouvait se comparer à une massue, et cette massue était d'autant plus invincible que c'était a la conscience seule qu'il donnait le droit de s'en servir. Il était le premier juge et le juge sévère de ses causes; la conviction seule inspirait son talent. Ce ferme esprit savait pourtant s'animer et émouvoir ; mais il fallait que la chaleur oratoire jaillît du fond du sujet. C'était alors la raison elle-même qui se faisait passionnée, et la logique devenait l'éloquence. On eût dit que chez lui les brillantes "ardeurs de la Gironde se trouvaient tempérées par cette puissance de sangfroid qu'il avait puisée dans sa première patrie. Un mérite si complet devait conquérir tous les suffrages : l'admiration de ses pairs ne lui faillit pas plus que la confiance des tribunaux. Aussi l'autorité de sa parole semblait le précurseur des arrêts de la justice. Il était déjà magistrat a la barre avant de monter sur les hauts sièges, comme il le fut dans son cabinet de jurisconsulte après en être descendu.