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                         POESIE.

  Vous conter une histoire ; elle vous touchera. —
  Voici dix ans bientôt : un immense hourra,
  Une grande clameur de vengeance et de guerre,
  Tonnait sur le vieux sol de France et d'Angleterre.
  Des milliers de soldats jusqu'à Sébastopol
  Couraient de l'aigle russe humilier le vol.
  Mériadek était de cette grande armée :
 Il laissait, en partant, sa mère bien-aimée,
 Vieille et seule au hameau que nous voyons d'ici.
 Il partit en pleurant, le cœur gros de souci :
 Il regrettait sa mère et sa chère Bretagne ;
 Sa mère ! sainte idole, et sa seule compagne ; ,
 Sa Bretagne ! pays qu'on regrette en tous lieux.
 Mais il avait en lui la vertu des aïeux,
 Celte ténacité du Celte inébranlable
 Qui fait d'un laboureur un soldat formidable.
 Il remplit son devoir avec simplicité ;
 Sachant bien qu'il n'était qu'une simple unité,
Qu'un chiffre concourant à des choses immenses,
Et voilà tout. — Mais rien des vastes espérances
Dont l'ivresse fermente aux cœurs audacieux ;
Point d'épaulettes d'or à l'horizon joyeux,
Point de lauriers, de croix brillant sur la poitrine,
Hochets par qui la mort de rayons s'illumine !
Mais la faim, mais la soif, mais le froid sans merci ;
Mais le corps mutilé sur le rocher durci ;
Mais le râle suprême exhalé sans prière ;
Tel était son destin: tel était son salaire! —
C'est pourtant à ce prix, et sans illusion
Que meurent maints soldats de chaque nation,
Heureux que de leur sang l'ignoré sacrifice
Des gloires du pays cimente l'édifice.


Or, par une des nuits de ce siège géant,
Mériadek était dans un repli béant
De l'immense tranchée. — Une ombre colossale
Enveloppait l'horreur de ce sombre dédale,
Ombre que déchiraient les spirales de feux
De l'obus dessinant son vol capricieux,