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                         ORFÈVRERIE.                      189
    Ne soyons pas exclusifs ; faisons servir à la gloire du
 christianisme toutes les créations de l'humanité, en sa-
chant y découvrir un reflet de cette vérité et de cette
beauté pure dont il est venu soulever le voile ici-bas. Ne
rejetons que deux choses : l'incohérence qui consiste à
employer dans une même œuvre des styles différents;
c'est rapprocher des éléments qui se repoussent essen-
 tiellement et faire ainsi une alliance monstrueuse, parce
qu'elle pêche contre la loi fondamentale du beau : l'unité.
La nature est une et homogène dans toutes ses pro-
ductions, même- dans ses types les plus vulgaires.
    Rejetons encore le pastiche, qui est une imitation froide,
inintelligente des défauts bien plus que des qualités d'une
époque. Reproduire tel siècle, ce n'est pas seulement ré-
péter ses lignes, ses silhouettes et les types qu'il a consa-
crés, c'est faire revivre son sentiment et son âme. Or,
ressusciter à une époque de science, de philosophisme,
de froide réflexion comme la nôtre, cette naïveté spon-
tanée, celte foi simple et louchante qui rendaient, dans
leur temps, ces imparfaites représentations supportables,
attendrissantes et même sublimes, prétendre à cela, c'est
tenter une œuvre difficile, sinon impossible -, c'est vouloir
se refaire homme du XIIIe siècle, se reconstituer naïf,
simple et même enfant, après avoir, à l'âge de l'homme
fait, respiré l'atmosphère d'un siècle éclairé sans doute,
mais rationaliste, indifférent et sceptique.
    Plus d'un talent supérieur pourrait succomber à la
tâche. L'inspiration religieuse ne doit pas être empri-
sonnée dans un archaïsme infranchissable. Pour que
l'artiste s'élève jusqu'à la noble mission du sculpteur, dii
verrier, du peintre ou de l'architecte, qu'il soit fidèle aux
données du style qu'il a choisi et que sans parti pris,
dans l'exécution, il procède avec la même simplicité que
Giotto, dessinant avec un charbon sur le flanc d'un
rocher les agneaux qu'il gardait dans les champs, Cellini
empruntant les élégantes formes de la renaissance pour
ciseler les vases sacrés que lui avaient commandés les
papes Paul III et Clément VII, et Sanzio,ne demandant
qu'à la nature et à son génie ses créations incomparables.