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                          DE LA POÉSIE.                        187

pirations humanitaires, philosophiques, industrielles, spécu-
latives de l'ère modtrne. — L'histoire, le drame, la vie so-
ciale, la psychologie, la divination, l'interprétation de la nature
sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, la
glorification de l'industrie, des conquêtes de l'homme sur la
matière ; tel sera le puissant limon que la Muse devra
pétrir pour plaire aux intelligences, telle sera la forte pâture
dont elle devra nourrir les générations.
   L'avenir de la poésie est dans son identification, dans sa
fusion étroite avec la vie et l'activité des temps modernes ;
il faut que son cœur batte à l'unisson de celui du monde;
il faut qu'elle sache, tout en rejetant les scories, incarner
d'une main souveraine, dans son moule puissant, le métal en
fusion de l'humanité, pour que celle-ci se reconnaisse tou-
jours dans le relief indélébile qui en sera formé. Il faut,
comme dit excellemment M. Armand Lebailly, que la poésie
soit désormais la raison mélodieuse ; il faut encore que, sui-
vant la belle expression de M. Blaze de Bury dans son tra-
vail sur Goethe, « ce ne soit pas l'imagination qui puise
« aux sources de la poésie, mais la poésie qui puise aux
« divines sources de la science humaine. < Il faut enfin
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qu'une correction scrupuleuse préside à la facture du vers,
car il ne souffre plus d'à-peu près ; il doit être pur, châtié
et sans reproche pour triompher de l'indifférence et ressaisir
sa royauté.
   Les tendances que j'indique, je les entends réprimer éner-
giquement par ceux qui prétendent que la poésie doit rester
au-dessus et en dehors de l'humanité ; qu'elle doit habiter
en tout temps les sommets inaccessibles de l'idéal, et que c'est
la profaner que de la faire descendre vers les hommes, au
lieu de les élever jusqu'à elle. Mais à cela il est facile de
répondre que la foule a depuis longtemps désappris les che-
mins de ces régions froides et nébuleuses, el qu'elle ne les