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156 DE LA POÉSIE. leurs hommages dans sa tunique blanche et dans l'éclat du nimbe d'or qui parait son front. Ce temps de rénovation est peut-être plus proche qu'on ne le pense. Certains signes que distingue l'œil des ini- tiés semblent accuser une réaction latente contre le dé- dain professé pour la poésie. La réaction est une des lois infaillibles qui régissent l'humanité: toute vraie puis- sance négligée revient tôt ou tard au pinacle. L'histoire des lettres et des arts, comme celle de toutes choses au monde, se compose d'une série de réactions successives. La poésie s'est retrempée dans l'épreuve d'isolement et de défaveur où elle a vécu. Cette épreuve a eu ce bon résultat qu'elle a éloigné de l'arène des vers les myriades de versificateurs qui n'avaient pas la véritable vocation poétique. Comme ils ne servaient pas la noble déesse pour l'amour d'elle-même et sans espoir intéressé, mais dans un but vil de bruit et de vanité, ils se sont éloignés d'elle dès qu'ils ont bien vu que son culte ne conduisait plus à la renommée. Il se fait beaucoup moins de vers aujourd'hui, nous l'a- vons dit ; et ce vide, créé par la désertion des profanes, doit être favorable a l'éclosion de nouvelles grandes indivi- dualités poétiques. Si un véritable appelé saisit ce vide pour y jeter sa lyre, et si, pendant une heure favorable, il sait maîtriser la foule distraite, il a beaucoup de chance pour être écouté et pour reprendre le sceptre tombé des mains de Lamartine et d'Hugo. Il est assuré de se placer parmi les météores. Mais la poésie, reconnaissons-le, doit tenter des voies nouvelles pour reconquérir son royaume. Dans le prodi- gieux amalgame d'idées qui salure l'univers, dans le ferment impétueux des intelligences du siècle, dans le règne du sé- rieux où nous vivons, la poésie qui répondra le mieux aux instincts des masses sera celle qui saura traduire les aspi-