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                         DE LA POÉSIE.                        155

cadre naturel où se placent leurs inspirations de jeunesse.
Le meilleur moyen de devenir un grand prosateur est de
commencer par être un poète. La combinaison des rhythmes
et l'extrême difficulté de faire des vers vraiment bons, assou-
plit toutes les forces de l'esprit, donne au style et a L'expres-
sion un ressort prodigieux, imprime, enfin, à la manière
d'écrire, un cachet indélébile et puissant. L'art des vers en-
seigne à l'écrivain loules les ressources de la langue ; il
n'ignore aucun de ses secrets quand il l'a pratiqué, el la
bonne prose n'est plus pour lui qu'un jeu, quand il a su faire
de bons vers.
  Non, la poésie ne périra pas, malgré les arrêts prononcés
contre elle. Elle n'a pas fait son temps, parce qu'elle vit en
dehors et au-dessus du temps, comme toutes les choses éter-
nelles.
    L'immortalité est son lot. Elle subit une éclipse passagère,
voilà tout. Homère, Virgile, Horace, Dante, Shakspeare, Ra-
cine, Gœthe, Lamartine, Hugo, sont des météores qui appa-
raissent aux différentes étapes de l'humanité,et aulour desquels
gravitent des milliers de satellites plus ou moins lumineux; or,
il est impossible que la race de ces astres soit éteinte et perdue
pour jamais. La nature garde dans ses flancs généreux la
matière féconde pour en créer d'autres, et dans le cercle
qu'elle décrit, elle en ramène de siè,cle en siècle. Nous
verrons sortir de son sein d'autres élus qui galvaniseront, au
son d'une lyre nouvelle, les générations à genoux devant
eux. Nous ou nos fils verrons la splendeur du rhythme re-
naître et passionner les cœurs comme autrefois. Les lèvres
humaines s'abreuveront de nouveau à cette source intaris-
sable de délices, et la Muse, maintenant veuve et vêtue de
deuil, redeviendra la jeune fiancée des nations, et recevra