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134 DE LA POÉSIE.
autres harmonies éternelles de la nature, pour aller tour Ã
tour, dans le cours des siècles, habiter sur les lèvres que
visite le souffle divin. Comme le langage, il est le fruit
d'une révélation directe, non d'une invention ; il dut s'as-
socier aux premiers murmures de l'hamatiilé exhalant ses
passions variées.
Ce qui est l'émanation directe de la Divinité, ne saurait
périr; le vers ne périra pas. Il y a en lui quelque chose
d'éternel et de sacré. Pas plus que la peinture, pas plus
que la sculpture, pas plus que la musique, ces autres mani-
festations de l'idéal, il ne peut disparaître et s'anéantir. II
est comme les idées nécessaires et innées qui existent fata-
lement partout, et qui fécondent l'humanité malgré elle.
Quoi qu'on dise et fasse, la bonne poésie sera toujours
bien supérieure à la meilleure prose. Il y a dans la parole
humaine soumise à la tyrannie du rhythme, et triomphant
glorieusement des entraves volontaires où elle s'enferme, une
puissance de jet et d'expansion qui pénètre, comme un éclair
vivifiant, au fond des cœurs et des cerveaux.
Les beaux vers reflètent dans les esprits des clartés fulgu-
rantes ; ils impriment en traits de feu dans la mémoire hu-
maine la raison écrite dont ils sont les plus éloquents inter-
prètes. Ils sont bien supérieurs à la musique, en ce sens qu'a
l'ivresse entraînante du rhythme el de la cadence, ils joignent
l'avantage de formuler des idées précises et déterminées, et
de ne rien laisser dans le vague autour d'eux. Ils sont aussi
les ailes du rêve, mais du rêve dirigé et conduit ; ailes intel-
ligentes qui ravissent l'âme aux horizons de l'infini, sans la
balancer dans les limbes fluides d'un éther indécis.
Les vers resteront toujours la meilleure école de l'écrivain ;
il est peu de grands auteurs qui n'aient débuté par eux dans
la culture de leur génie. C'est, par excellence, l'exercice pre-
mier et fécond des plumes promises à la gloire : c'est le