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                         BIBLIOGRAPHIE.                       87

lion est arrivée à sa fin, et, depuis l'aimée 1855, date de
son apparition, d'illustres suffrages ne lui ont pas manqué.
Mais tout cela n'a été qu'un succès d'estime restreint dans un
cercle d'initiés et de connaisseurs, et non pas ce succès
d'effusion et de popularité que tout vrai talent doit espérer.
    Et dire pourtant que la traduction corrigée de Baour-
Lormian eut un succès fou quand elle parut en 1819 ! Quelle
amère comparaison!... Mais alors on vivait au bon temps de
la littérature ; la poésie avait encore droit de cité ; un grand
travail était toujours sûr d'être applaudi. Ce qui tue aujour-
d'hui les poètes, ce qui les désoriente et les dépiste, c'est
l'indifférence placide et navrante avec laquelle le public ac-
cueille leurs créations même les plus sérieuses: c'est la
naïve cruauté avec laquelle il condamne à l'oubli ces œuvres
dans lesquelles un écrivain a mis toute sa chair, tout son
sang, toute son âme, toutes ses entrailles, toutes ses insom-
nies ; sur lesquelles il a immolé la série de ses plus belles an-
nées. Ah ! que la haine lui serait mille fois plus douce que
cette indifférence !

   Un livre a beau s'écrier dans l'agonie de la submersion :
Au secours ! J'affirme ma vitalité, j'affirme mon droit à la-
lumière ; ne me laissez pas noyer sans aide; lisez-moi
d'abord; ne me condamnez qu'après! La foule passe de-
vant cette torture avec un stupide sourire ; son cœur ne
bal pas une pulsation de plus : l'œuvre s'engloutit dans l'im-
pitoyable fleuve de l'oubli. Bienheureuse encore si, après de
longues années, une main pieusement investigatrice la re-
cueille comme une épave sur la grève de ce féroce Lèlhê,
et lui rend cette vie qu'elle n'avait pu vivre en son temps.
Mais ces résurrections sont de si rares exceptions qu'elles ne
sont là que pour justifier la règle.
   Le regret que nous exprimons ici était déjà celui de