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536 HIPPOLYTE FLANDRIN.
En cet état, Flandrin fut atteint de la petite vérole qui
régnait alors à Rome. Son épuisement laissait un champ plus
redoutable à l'action du mal; cependant, jusqu'au septième
jour, on espéra le sauver; les médecins, ses amis, madame
Flandrin elle-même se livraient à la joie. Au neuvième jour,
le danger s'aggrava : des symptômes alarmants se manifes-
tèrent, et en quelques instants fut brisé lefildélicat qui unissait
l'âme du grand artiste à son enveloppe mortelle, et celui qui
s'était si ardemment e'pris de l'amour de l'éternelle beauté,
après lui avoir ravi quelques traits ici-bas, était allé la con-
templer face à face !
Satisfait de cette vie courte, mais pleine, usée prématuré-
ment au service du Beau chrétien, Dieu l'a dispensé d'un
plus long labeur. Il a voulu le récompenser avant l'heure,
alors que dans toute la maturité de son talent il eût pu doter
sa patrie d'œuvres encore plus complètes.
Consolons-nous donc en admirant celles que nous pos-
sédons. Apaisons notre douleur par le charme de son
souvenir. Que les exemples aussi de cet humble chrétien,
fidèle aux préceptes de l'Eglise comme aux grands principes
de l'art, nous encouragent à un christianisme agissant.
Flandrin n'est-il pas la démonstration e'clatante qu'une re-
ligion pratique ne fait qu'agrandir l'intelligence et rehausser
le talent?
Absorbé maintenant dans la vision du Christ dont toute
image de main d'homme ne fait plutôt, hélas ! que voiler la
splendeur, oui, là haut Hippolyte Flandrin est heureux ! Il
vit en la compagnie de ces patriarches qu'il a si majestueu-
sement représentés aux voûtes de nos temples. Il partage la
félicité de ce Beato avec lequel son ûme avait conversé
fraternellement ici-bas. Il est auprès de cette douce Madone,
a laquelle les Romains, qu'il prenait pour modèles, le com-
paraient autrefois, à cause de sa candeur angélique. Plongé