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MONT SAINT-BERNARD. 403 imposteurs. Si la chose a existé telle qu'on la raconte, c'est le cas de dire avec le poète : Un fait peut quelquefois n'être pas vraisemblable. Une particularité si étonnante est de nature à arrêter un historien qui la rencontre sur son passage. Elle a visiblement embarrassé l'auteur de la récente Fie de saint Bernard dé Menlhon, et il faut avouer qu'il n'en a pas donné une raison péremptoire. Quant h M. Beugnot, il conclut de cette particu- larité que la légende éditée par les Bollandistes sous le nom de Richard de Val d'Isère (1) n'est point l'ouvrage de ce re- ligieux, mais bien celui de quelque moine piémoiUais du moyen-âge, admirateur peu éclairé des vertus de saint Ber- nard (2). Celte conclusion est évidemment trop forte. 11 ne semble pas permis, même sur une difficulté aussi sérieuse que celle que soulève M. Beugnot, d'effacer du frontispice d'une œuvre le nom propre qu'elle a constamment porté pour y inscrire le mot anonyme. Tout en admettant l'invraisem- blance, sur le Monl-Joux au X« siècle, d'un culte de Jupiter, tel qu'il se pratiquait h l'époque de la gentilité, il n'y a point d'absurdité à supposer que le souvenir de ce culte ne se fût conservé parmi les grossiers descendants des Féragrcs et des Salasses d'abord, puisque des bandijs, comme les domina- teurs du Monl-Joux, qui régnaient déjà parla terreur, n'aient essayé d'exploiter h leur profit les restes de superstition qu'ils avaient trouvés dans le pays, tentative que Richard de Val-d'Isère, dans son horreur pour l'idolâtrie, aura montrée comme une véritable restauration du paganisme. M. Beugnot veut que le récit de Richard de Val d'Isère soit l'unique source delà tradition que nous avons rapportée, et cela parce qu'une seconde vie anonyme de saint Bernard, placée également dans le recueil des Bollandistes, se tait sur (l)JuniilI, p. 1077. (2) Vie de saint Bernard, c. XI.