page suivante »
276 MOEURS LITTÉRAIRES. mœurs publiques. Marchez dans l'avenir, ne reculez pas dans le passé. On a beaucoup vanté la politesse française: peut-être sa réputation a-l-clle été un peu surfaite ; mais enfin, quand on a l'avantage de jouir d'une bonne réputation, il faut tâcher de la justifier. La Bruyère, parlant de la politesse , dit qu'on peut la définir : mais il se garde bien de le faire, en esprit judicieux qui craint de trop s'avancer. Il ajoute qu'elle varie avec les temps, les lieux et les personnes, et qu'on ne peut en fixer la pralique. La politesse dans les écrits n'est point absolument la môme que la politesse dans la conversation : celle-ci demande infiniment plus de réserve, et règne trop souvent aux dépens de la franchise. L'écrivain doit toujours rendre hommage à la vérité, et ne point avoir de lâches com- plaisances; mais il doit en même temps faire abstraction des puériles susceptibilités, et, s'il met en cause les opinions, ne jamais mettre en cause les personnes. Voilà sa politesse. Les auteurs médiocres sont ceux qu'on voit le plus disposés à manquer de mesure et de bon goût : c'est tout simple. Molière a rendu cette idée saisissante et en a tiré un parti comique dans la querelle de Vaduis et de ïrissotin. Il semble que leur langage, d'abord hypocrite et obséquieux, ensuile puisé dans le vocabulaire des halles, est poussé jusqu'à la charge : il n'en est rien, et tous les jours nous pouvons enten- dre des polémiques montées sur le même ton. Il y a des gens qui ont l'air de désirer qu'on leur applique cet admirable trait du grand moraliste dont nous avons déjà invoqué le témoignage: « Parler et offenser pour de ceriaines gens est absolument la môme chose : ils sont piquants et amers ; leur style est mêlé de fiel et d'absinthe,; la raillerie, l'injure et l'insulte leur découlent des lèvres comme leur salive. Il leur serait utile d'être nés muets ou stupides. » Les auteurs de peu de mérite tombent dans ces excès par l'envie démesurée qu'ils ont de faire parler d'eux. Leur ambi-