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                       ÉLOGE DE RAVEZ.                        209

    II résista longtemps : mais quand il se vit chaque jour forcé
de se cacher dans son propre pays, il dut se résigner et
partir au mois de décembre 1792. Il ne voulait point émigrer
a l'étranger. Sa famille lui avait laissé le choix du refuge entre
Paris et Bordeaux : à Paris, il eût pu se perdre dans la foule, •
mais il pouvait se montrer a Bordeaux où la Gironde luttait
contre la Montagne. Il préféra Bordeaux.
    Il y arriva la veille de Noël, 24 décembre 1792. Il a ra-
conté lui-même, en termes saisissants, les émotions de
cette première journée de l'exil dans une ville où il se trouvait
seul, sans aucun lien de famille ou d'amitié, et qui mérita
bientôt de devenir sa seconde patrie.
    Ravez ignorait encore s'il devait y rester, car il n'avait d'au-
tre appui qu'une lettre de recommandation pour une maison
de Bordeaux ; il n'était chargé auprès d'elle que d'une
mission commerciale, mais il était écrit que cette vie devait
illustrer le barreau.
    Un jour, le négociant près duquel il était accrédité luj
parle d'un grave procès dans lequel il était engagé : Ravez
 s'explique sur l'affaire avec tant de lucidité, que le négociant
l'oblige a l'accompagner chez son procureur. Celui-ci est
 frappé a son tour du langage de Ravez, et le prie de rédiger
l'acte qu'il conseillait. Ravez s'en défend, en répétant qu'il
 s'occupe de commerce et ne peut intervenir dans une ques-
 tion judiciaire. On insiste, il se rend; le procureur trouve la
 rédaction parfaite; sa vieille 'expérience a deviné l'avocat
 Résolu à se servir de son talent, il retient Ravez et le presse
 de plaider pour lui à la barre où d'ailleurs le titre d'avocat
 avait cessé d'être exigé.
    Ravez se vit reconnu, il accepta. Le procureur lui envoya
 d'abord deux causes d'essai ; elles étaient si ingrates et si
 minimes que Ravez les regarda comme un défi, mais il sut
 si bien les agrandir qu'on n'hésita pas a lui en confier une
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