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498                            POÉSIE.
      Puis il lui prend la tête et l'étreint mille fois.
      Elle, le regard fixe, haletante et sans voix,
      Le dévore des yeux : d'une divine extase
      Son visage ébloui s'illumine et s'embrase ;
      Avide, elle l'étreint sur son sein palpitant;
      Elle prie en silence : On dirait qu'on l'entend
      Du vieillard Siméon murmurer le cantique.
      Puis, tout à coup, son front d'une pâleur tragique
      S'empreint, et ses genoux sous elle ont vacillé;
      Ses bras se sont raidis, son regard s'est voilé.
      Elle tombe, en disant de sa bouche mourante,'
      « Morci ! j'ai vu mon fils ! Dieu prenne sa servante ! »

      « Ah ! malheureux enfant ! s'écria le curé ;
      Elle vous doit sa mort ! » — Mais lui, transfiguré,
      Et comme enseveli dans un mystique rêve,
      Met un doigt sur sa bouche, et dit : Chut ! elle achevo
      Sa prière là haut. Je la vois près de Dieu.
      C'est là qu'elle m'attend; j ' y volerai sous peu. —
      Et puis fermant les yeux de cette bonne mère,
      Il murmura tout bas dans son cœur: Dieu le Père
      A reçu mon serment, demain j e l'accomplis,
      Et saurai lui payer la dette que je fis. —


      Mon compagnon se tut. Sur l'aîle de la brise
      Arrivaient jusqu'à nous de graves chants d'église ;
      Les cloches balançaient leur glas funèbre et doux,
      Et soudain le couvent apparut devant nous.
      La foule s'y pressait à l'entour d'une bière;
      Chaque lèvre exhalait une ardente prière.
      Nous approchons aussi ; nous contemplons tremblants,
      Dans le cercueil, un moine avec ses habits blancs.
      Le signe des élus marque son front d'ascète ;
      La mort semble sourire en lui comme une fete.
      Mon ami, tout ému, dit me serrant la main :
      Voyez Mériadck ! c'est le frère Augustin. —


                                            Maurice SIMONNET.