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150                     DE LA POÉSIE.

tures païennes, grecque et romaine, c'est en absorbant jus-
qu'à la moelle la substance des grands génies de l'antiquité,
que les races latines peuvent garder leur essence et leur ca-
ractère.
   Il résulte de là qu'une stupeur profonde et un sentiment
douloureux nous saisirent à cette polémique, cette croisade
que l'abbé Gaume, et le journal f Univers entreprirent, il y
a quelques années, conlre l'étude des auteurs païens dans
les collèges. Il y aurait eu de quoi engendrer une hilarité
homérique si le sujet n'avait été aussi grave.
   Ces publicisles aveugles ne se doutaient pas qu'ils portaien!
tout simplement le coup le plus mortel à celte religion qu'ils
prétendaient défendre. Ajoutons, pour être vrai, qu'ils
proposaient le remplacement des auteurs païens par les
Pères de l'Eglise; mais jamais (dût ceci paraître un para-
doxe ) la lecture de saint Augustin et de saint Jérôme ne
 maintiendra l'esprit latin dans la chrétienté, comme celle
 de Virgile et d'Horace. —Aussi, le danger fut-il si bien
 compris par d'éminents prélats à la lêle desquels se trouvait
 Mgr Dupanloup, qu'ils fulminèrent de toute leur force conlre
l'invasion de ce nouveau système. —Ils sentaient juste et
 vrai.
   Il y a encore une cause bien palpable de l'indifférence en
matière poétique. C'est la trop grande abondance de vers qui
s'est produite depuis trente ans. Chose singulière ! plus l'in-
différence allait croissant, plus cette débauche du Parnasse
progressait. Or, il est arrivé ce qui advient toujours à toute
marchandise trop offerte sur le marché ; elle s'est dépréciée.
La contagion de la rime et du rhythme s'était propagée chez
un nombre fabuleux d'initiés qui avaient surpris, je ne sais
comme, les procédés plastiques et matériels de ce bel art. Ils
étaient arrivés en foule à découper parfaitement une strophe,
à ne faire sonner que des rimes riches, à servir toutes les