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246                        BIBLIOGRAPHIE.

lence ; parce que les anciens, quoi qu'on ait pu dire, sont nos
pères et que nous les retrouvons partout ; parce que l'esprit hu-
main a des titres qu'il ne peut oublier et qu'il tient à honneur
de connaître ; parce que le vrai, le beau et le bien, ces trois faces
de l'idéal que l'humanité a toujours poursuivi, ont été entrevus
plus d'une fois, et que leur poursuite nous a valu des monuments
impérissables ; parce que les erreurs mêmes du passé sont un en-
seignement pour nous et qu'il y a un profit constant à comparer
les idées d'autrefois avee les nôtres. Ce qui faisait dire à Mon-
tesquieu qu'un des côtés les plus intéressants de la lecture des
anciens, c'était d'y voir d'autres préjugés.
    Aussi, ne suis-je pas étonné que les hommes de mérite et de
goût, toutes les fois qu'ils ont joué un rôle considérable et qu'ils
se retirent plus ou moins des affaires, reviennent avec une pré-
dilection marquée à l'étude des lettres anciennes, et cherchent,
dans ce qui a enthousiasmé leur jeunesse, l'aliment d'un autre
 âge, celui de la maturité et de la réflexion. De tous les moyens
 que l'on peut proposer pour mesurer la valeur des hommes, le
 plus sûr est le goût qu'ils ont pour les lettres, et je ne fais aucune
 difficulté d'ajouter, d'une manière plus particulière, le goût pour
 les lettres anciennes.
    Ces réflexions ne nous éloignent pas de M. Olivier, et de la tra-
 duction de Tacite. Elles en font comprendre toute l'importance et
 la difficulté. En général, nous avons tort de ne pas accorder aux
traductions la faveur qu'elles méritent ; c'est un genre trop dé-
 daigné aujourd'hui; il y a une foule de circonstances, et c'est le
 cas pour Tacite, où elles sont de véritables œuvres d'art.
    Car enfin , le style c'est l'homme. Le style de Tacite, c'est donc-
 Tacite lui-même, avec la tournure particulière de ses idées et de
 son génie, avec cette sagacité d'observation, cette hauteur de
 vues, cette vigueur de pensée, cette puissance d'expression qui
 n'ont d'égales nulle part, et ont laissé sur tous les sujets qu'il a
touchés une empreinte ineffaçable qui suffit pour le châtiment
 du crime et pour la vengeance de l'humanité.
    En même temps, c'est le Romain et le Romain du temps de
 l'Empire; ce n'est pas l'historien moderne, tel que nous nous le re-
 présentons. Nous demandons aujourd'hui à l'historien un récit plus
 circonstancié, et où la lumière soit répartie à peu près sur tous
les points du tableau. Nous voulons qu'il passe en revue les faits
 de l'ordre le plus divers et qu'il nous en montre la génération et
 l'enchaînement ; nous ne sommes même pas fâchés qu'il disserte
et qu'il dogmatise. Comme nous lisons beaucoup, nous aimons à
 lire vite ; l'auteur qui fait réfléchir n'est donc pas celui qu'il nous
ftut : nous préferons celui qui réfléchit pour nous, et qui nous
 abrège le travail.
    Les anciens n'avaient pas non plus pour la vérité historique le
 même genre de respect que nous professons aujourd'hui. Ce n'est