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438                BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
tion et de la misère. Que penser d'un être qui, d'après ce spectacle
douloureux, jugerait que tous les hommes sont corrompus, ou
fous ? que penser surtout si cet être, au lieu de donner courage,
de relever les cœurs et les esprits, poussait les infortunés qui
l'entourent au désespoir ? Le mal existe, il faut le guérir et non
l'envenimer. M. Barrillot s'est donné une triste mission et il faut
qu'il soit bien malheureux, qu'il ait bien souffert pour avoir
laissé tomber de sa plume quelques-unes des strophes qu'on
trouve dans son recueil.
   Le comte de Saluggia ou le Tourmenteur de la chair humaine,
histoire d'un tyran militaire en Italie au XIX siècle, par,
J. B. de Bargini, traduit de l'original italien inédit, par Numa
Bonnet. Paris, Lyon, Ballay et Conchon : 2 vol. in-8. La Case de
l'oncle Tom est dépassée. Jamais on n'a employé, pour la confec-
tion d'un roman, pareil assortiment de cachots, de prisons, de fus-
tigations et de fusillades ; les coups de bâton pleuvent à chaque
page et le héros qui commence, dans le premier volume, par
cravacher un pauvre qui lui demande l'aumône, finit, dans le tome
second, par pendre de pauvres petits oiseaux lorsqu'il n'a plus
de créatures humaines à martyriser.
   Ce roman qui ne manque pas d'une certaine habileté d'inven-
tion, qui a une couleur locale assez prononcée, et un goût
de terroir franchement accusé, se fait lire avec intérêt malgré
d'assez nombreuses invraisemblances et surtout malgré la fai-
blesse de la traduction. Celle-ci porte en effet de trop nombreuses
marques de la précipitation avec laquelle M. Numa Bonnet a dû
livrer sa copie à l'imprimeur ; on voulait arriver à jour fixe et le
style s'en est un peu vivement ressenti.
   Ce roman, machine de guerre destinée à porter un dernier
coup à l'aristocratie, à la Camarilla et aux Jésuites, offre cette
particularité qu'il a été écrit à Paris par un Italien, traduit en
français par un Dauphinois du Pont-de-Beauvoisin et imprimé
partie à Nantua, partie à Lyon, avec des caractères différents ce
qui lui donne une tournure piquante et peu commune que les
bibliophiles sauront apprécier.
                                                   A. V.