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                  CHRONIQUE LOCALE.
   La mort de Béranger a eu autant de retentissement dans les provinces
qu'à Paris, et presque autant aux extrémités de l'Europe et dans tous les
lieux où la langue française est parlée que dans notre pays. C'est que la
France n'avait pas été seule à s'émouvoir à l'apparition de chacune des
chansons que le poète attachait comme des brûlots aux flancs de ses
ennemis, et on se souvenait que, naguère encore, ses poésies étaient un mot
d'ordre et son nom un cri de ralliement. Aussi au bruit de sa mort les
passions se sont-elles réveillées, les journaux ont livré bataille autour de
sa tombe et, pour le besoin de la cause, on en est venu, dans la mêlée ,
jusqu'à rappeler les pièces malheureuses qui font tache dans les œuvres du
grand poète et à les couvrir de gloire ou de blâme, de préférence à celles
qui seules lui ont donné l'immortalité. Bon , honnête, modeste, Béranger
s'est éteint dans un âge avancé, et chose rare, malgré son génie, il eut des
amis fidèles , des admirateurs passionnés, la facilité de parvenir à tout et
pas d'ambition.
   — Nous reproduisons la note suivante qui intéresse l'histoire de notre
ville. Nous l'avons lue dans plusieurs journaux, mais sans savoir à qui en
attribuer la paternité.
   « Nous avons annoncé que les religieux de l'Ordre des Carmes venaient
d'acquérir l'ancienne maison de leur Ordre, connue sous le nom de Carmes
déchaux, située sur la colline de Fourvière et dont les lignes accidentées
produisent un de ces effets pittoresques si multipliés dans l'ancienne ville
de Lyon.
   Voici quelques documents sur l'histoire de-cette .maison : Il y avait dans
les temps les plus reculés une recluserie de filles et un oratoire sur cet
emplacement, on l'appelait la recluserie de Thunes, parce qu'au temps des
croisades quelques pestiférés venus de Tunis ou Thunes , selon le langage
du temps, y avaient été relégués. M. Cochard ajoute qu'on y établit ensuite
un cabaret où on allait se divertir et que de là vint l'expression populaire
de faire thunes ou tunes pour faire bombance ou se divertir.
   L'illustre famille des Scarron y possédait une maison qui prit aussi le
nom de Thunes. En 1618, Philibert de Nérestang, grand maître de l'Ordre
de Saint-Lazare et premier grand maître de celui du Mont-Carmel, érigé
par le pape Paul V, acheta cette maison et la donna aux Carmes déchausses
avec une rente pour l'entretien de huit religieux. Les Carmes déchaussés,
ainsi nommés parce qu'ils marchaient pieds nus et en sandales , descen-
daient des grands Carmes par saint Jean-dc-la-Croix et sainte Thérèse
qui les vouèrent en Espagne à la foi, à la prière et à la mortification. Les
grands Carmes étaient venus de Palestine en France en 1252. Ils eurent des
députés de leur Ordre au deuxième concile de Lyon, en 1294, et en 1303
Louis de Villars, archevêque de Lyon, leur avait assigné un emplacement
aux Terreaux où ils avaient bâti, en 1495, une superbe église avec les libé-
ralités de Charles VIII ; il n'en reste que le souvenir consacré par le nom
de deux places.
   L'église des Carmes déchaux possédait une chaire en marbre du sculpteur
Chabry d'une grande richesse, des tableaux de Vignon , du Guerchin, de
Sarrabat et de la Trémollièrc.
   Les Lumagne, famille noble des Grisons, établie à Lyon, et dont les ar-
moiries se voient dans un des salons de l'hôtel de la Valette, sur la place
Bellccour (où est l'état-major de la place), avaient contribué à cette église
par de nombreuses libéralités et y avaient leur sépulture.
   Toutes ces richesses disparurent à la Révolution. Le couvent et l'église
devinrent une caserne. En 1848 elle fut occupée par les gardes mobiles.