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232 LETTRES DE GUICHENON. C'était donc d'un trait de plume annuler la puissance de la maison de Savoie et la dépouiller des prérogatives qui cons- tituaient sa force et sa grandeur, prérogatives qu'elle possé- dait ou croyait posséder légitimement, soit en vertu d'acqui- sitions ou de transactions faites avec les évoques, soit, si l'on veut, par le bénéfice de la prescription. Depuis 1032, c'est- à -dire, depuis l'extinction des dynasties rodoiphiennes, les grandes seigneuries laïques avaient en partie absorbé les pe- tites et considérablement démoli la puissance temporelle des évoques. Le moyen le plus actif et le plus efficace employé par les princes laïques pour s'emparer du temporel du clergé, consistait à se faire attribuer sous les noms de vidâmes, (Vice Domini), ou d'avoyers (Advocati), le protectorat des évêchés et des monastères. Ces titres, d'abord révocables, puis deve- nus permanents et héréditaires, permirent à ces dangereux protecteurs, de s'emparer avec le temps, la ruse et plus sou- vent la violence, des possessions et désintérêts dont ils se di- saient les gardiens et les défenseurs. Si humble que fût la dévotion du pieux Humbert III, si grand que fût son détachement des choses d'ici-bas, les bulles d'or de l'empereur, adressées aux évêques de ses états, le jetè- rent dans une exaspération qu'il put d'autant moins maîtriser que les prélats, objets des largesses impériales, furent una- nimes à s'en prévaloir et à les considérer, non comme une donation, mais comme la restitution pure et simple des pri- vilèges autrefois concédés à leurs sièges à litre perpétuel par les rois de Bourgogne, puis confirmés et amplifiés par les empereurs carolingiens et les rois de la Bourgogne transju- rane. Saint Anthelme, déjà accablé par les poids des années et des infirmités, eut à subir, de la part du comte Humbert, des reproches empreints de tant de vivacité et d'amertume, que le prélat se vil réduit à châtier sa témérité en lançant contre lui l'analhème.