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224 LETTRES »F. GUICHENON. guerriers, maîtres du passage des Alpes et de l'entrée de l'Italie, par le mariage d'Oddon, avec l'héritière de Suze, ne tardèrent pas à acquérir une influence prépondérante sur leurs voisins; on les voit s'approprier successivement le Bugey, la baronie de Gex, la seigneurie de Baugé par mariage, les terres des Dauphins Viennois par échange, celles des Villars par des achats. Toutes les petites seigneuries laïques et ecclésiastiques se virent contraintes, comme nous le verrons bientôt, non seulement de reconnaître la prépotence des comtes de Savoie, mais encore de leur céder des portions notables de leurs terres et de leurs revenus, pour acheter leur protection et, par ce moyen, se mettre à l'abri de la spoliation et des empiétements des seigneurs du voisinage. Bien avant la dissolution du royaume de Bourgogne, les évéques se trouvaient placés au sommet de l'aristocratie territoriale. Les dynasties diverses qui tour à tour avaient régné sur ces vastes contrées avaient, à l'envi l'une de l'autre, prodigué des privilèges illimités, et concédé à ces hauts dignitaires de vastes territoires. Gharlemagne leur avait cédé les terres du fisc jusques alors réservées aux guerriers que d'éclatants services recommandaient à la recon- naissance du prince et de la nation. Les propriétés et les magistratures qui, avant le règne dece grand monarque, chan- geaient fréquemment de mains, s'affermirent dans celles des évéques. Elles acquirent durant son règne, qui ne dura pas moins de quarante-six ans, unefixitéqui équivalait à l'in- dépendance. Cependant , à partir de la dissolution du royaume de Bourgogne, la puissance laïqueentre en lutte avec la puissance religieuse; l'Église voit son pouvoir disputé, sa juridiction contestée, ses droits revendiqués par les chefs de la société civile. La lutte, et une lutte acharnée, s'établit entre le pape et l'empereur. En recevant des mains du souverain