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192                    LE PÈRE DE LA CHAIZE.
rement civil qui se forme et se brise par la seule volonté des
époux, le divorce devient le droit commun des Etats protestants
et il a fini par y prévaloir. L'esclavage, détruit insensiblement
par le catholicisme, reparaît dans le monde et il existe aujour-
d'hui, plus impitoyable et plus odieux que dans l'antiquité , au
milieu du peuple qui se dit le plus libre de la terre. Dans tous
les pays où s'est glissé l'esprit de la Réforme, on peut dire, sans
crainte de se tromper, que les ferments de dissolution sociale s'y
montrent plus vivaces que partout ailleurs. Avant que la fatale
doctrine du libre examen eût sapé la société, jusque dans ses
derniers fondements, les nations modernes n'avaient point été
forcées de chercher un refuge contre l'anarchie dans les bras du
despotisme. Si les institutions populaires ont péri, dans les prin-
cipaux Etats de l'Europe, l'histoire nous fournit la preuve irré-
cusable que c'est à l'influence directe ou indirecte du protestan-
tisme qu'il faut s'en prendre. Les guerres de religion qui eurent
au fond un caractère bien moins religieux que politique (1) ont
rendu nécessaire, indispensable, la centralisation du pouvoir ;
elles ont fortifié l'autorité, amené la suppression progressive
des garanties des peuples, et c'est à elles, sans contredit, qu'il
fautattribuer la longue suspension, en France, du gouvernement
représentatif. Avant l'apparition de la Réforme, la Suisse était
libre, plus libre qu'elle ne l'est depuis cette époque : les répu-
bliques italiennes, Florence et Venise étaient libres avant les
prédications de Luther et de Calvin ; il en était de même des
villes Anséatiques. Si l'Angleterre a des institutions libres, elle

   (1) « Mélanchton ne fut pas longtemps à s'apercevoir , dit Bossuet,
que la licence et l'indépendance faisaient la plus grande partie de la
réformation. L'on voyait les villes de l'Empire accourir en foule à ce nouvel
évangile ; ce n'est pas qu'elles se souciassent de sa doctrine ; ce n'était
pas elle , c'était l'indépendance qu'elles cherchaient et si elles haïssaient
leurs évêques , ce n'était pas tant parce qu'ils étaient leurs pasteurs que
parce qu'ils étaient leurs souverains. »
  « Elles ne se mettent point en peine, disait Mélanchton, lui-même,
de la doctrine et de la religion , mais de l'Empire et de la liberté. »
(Bossuet. Hisl. des Vtirialtvnn).