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184 LE PÈKE DE LA CHAIZE. Rien n'est donc plus certain que l'existence de ce droit com- mun reconnu tacitement et mis en pratique dans tous les pays protestants et catholiques. Louis XIV ne saurait donc être jugé sévèrement pour avoir usé, avec une modération relativement assez grande, de cette loi générale de son siècle (d). Ce prince doit-il être blâmé, au point- de vue moral et politi- que, d'avoir révoqué l'Édit de Nantes? En d'autres termes, avait- il le droit de détruire la charte accordée aux calvinistes, par son aïeul, et, en second lieu, la raison d'État était-elle opportune et suffisamment motivée ? On suppose trop généralement que ce fut au milieu d'une paix profonde, et de son propre mouvement, que Henri IV accorda l'Édit de Nantes aux réformés. Mais ce sont là deux erreurs graves, souvent combattues, et que M. Poirson a pris soin de relever en- core dans sa consciencieuse Histoire du règne de Henri IV. Il nous montre en effet les protestants, toujours insatiables, préparant en 1594, contre leur patrie, une nouvelle guerre civile et formant à cette époque une organisation républicaine des plus menaçantes. « Ils devaient, dit M. Poirson, s'en remettre au temps, aux pro- messes et à la justice du roi, pour obtenir le redressement de leurs griefs, l'extension des avantages réels et importants dont ils jouissaient déjà , la plénitude de la liberté religieuse, civile et politique. Loin de là , ils employèrent des moyens violents qui pouvaient perdre leur patrie dans les circonstances présentes -, et qui lui préparaient un avenir gros de dangers. Ils se firent dans la France une France à part, ils formèrent un État dans (1) « C'est par ses conséquences qu'il faut juger cette mesure bien plus que par les principes au nom desquels elle fut décrétée, car ces principes n'étaient alors discutés par personne, et l'union de l'ordre religieux avec l'ordre politique provoquait dans les contrées protestantes, des rigueurs non moins tyranniques que dans les pays demeurés fidèles à la religion romaine. La suppression de la liberté religieuse , octroyée dans des temps difficiles par une monarchie catholique à une minorité dissidente, ne révoltait pas les consciences dans le XVII e siècle, comme elle le ferait au sein de nos socié tés nouvelles constituées sur des bases toutes différentes.» (Comte de Carné. Correspondant d'octobre 1856. p. 74).