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                        LE PÈRE DE LA CHA1ZE.                     141
seul en partie découle la source de ce mal profond et incurable
qui va sans cesse s'élargissant et qui menace l'Europe d'une
contagion universelle. Or, si pour défendre l'unique et dernier
fondement intact sur lequel elle repose, la société de nos jours a
cru devoir user pour son salut de la loi suprême, — il faut que
cette même société, éclairée par la tempête, ne se hâte pas de
condamner trop légèrement le monarque qui, pour préserver une
institution autrement sacrée que celle de la propriété : la religion
de son pays, dispersa, aux applaudissements de l'univers catho-
lique, les derniers débris de la forteresse du protestantisme.
   Pour peu que l'on considère avec attention les principaux états
de l'Europe au XVII e siècle, on ne tarde pas à se convaincre
qu'aucun d'eux ne mettait en pratique la tolérance civile. C'est
qu'alors, comme chez les peuples de l'antiquité, comme chez les
Égyptiens et les Juifs, les Grecs et les Romains, il existait entre la
religion nationale et l'autorité temporelle une union si intime
qu'on les supposait indivisibles, et que les révoltes contre la
religion étaient considérées comme autant d'attentats contre le
pouvoir. Lorsque Constantin et plus tard Théodose eurent in-
terdit le culte païen, la religion chrétienne devint celle de
l'Etat, et l'étroite union de l'Eglise avec l'Empire dura pendant
le cours de plusieurs siècles.
   « Quiconque viole la religion établie de Dieu, disait le code
de Justinien (1), pèche contre l'ordre public. » Attaquer la re-
ligion, c'était attaquer le pouvoir politique ; et cette maxime,
considérée comme fondamentale à cette époque, fut en pleine
vigueur sous le Bas-Empire, au Moyen âge et jusque, dans les
temps modernes, où elle trouve encore, dans quelques Etats de
l'Europe, une application soutenue et de nombreux partisans.
Les codes de Théodose et de Justinien sont parsemés de lois
répressives contre les hérétiques, et c'est à l'influence incon-
testable de la législation romaine sur celle des divers royaumes
d'Europe qu'il faut attribuer la persistance et la généralité du
système de l'intolérance civile. M. le duc de Noailles a fait


  (1) Cod. Just., lib. 1, fit. v, n° 4.