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LE PÈRE DE LA CHAIZE. 135 deur de France à Londres , qui l'employa souvent pour des missions de diverse nature. Quelques années avant ces démarches de Colman, un traité secret avait été conclu entre le roi de France et celui d'Angle- terre pour rétablir la religion catholique dans ce dernier royaume. Il y avait eu même des pourparlers sur cette question, entre les Jésuites Anglais et les PP. Annat et Ferrier, les deux premiers confesseurs de Louis XIV. Colman était au courant de cette affaire : il la rappelait au P. de La Chaize, et il avait eu l'imprudence d'oublier dans un tiroir les copies de ses lettres : « Nous avons entrepris un grand ouvrage, lui disait-il. Il n'y va pas moins que de la conversion des trois royaumes, et de l'entière subversion de cette pestilente hérésie, qui, depuis quelque temps, a dominé sur cette partie septentrionale du monde. Nous n'avons jamais eu de si grandes espérances, depuis Je règne de notre reine Marie. » Dans une autre lettre, il s'exprimait ainsi : « Je désirais ardemment la continuation d'une correspondance avec le P. Ferrier, connaissant que les intérêts du roi, de mon maître le duc et de Sa Majesté très-chrétienne étaient d'être si bien unis, qu'on ne les pût séparer qu'en les détruisant tous, etc. » Colman fut arrêté, et quoiqu'il n'y eût d'autre preuve contre la Compagnie de Jésus que les offres qui avaient été faites à l'un de ses membres, les lords trouvèrent moyen d'échafauder contre elle une nouvelle accusation. Ce fut le comte de Shaftesbury qui fut chargé de présider l'enquête : orateur d'un talent rare, d'une perversité consommée, il avait embrassé et renié tour à tour toutes les religions et tous les partis, ne reconnaissant d'autre loi dans le monde que celle de l'intérêt. Il sut donner à l'accu- sation d'Oates toutes les apparences de la vérité. Ses paroles enflammées étaient recueillies avec avidité par une foule ardente, prête à se porter aux derniers excès, si on ne lui livrait des victimes. Et pourtant, moins que personne, Shaftesbury croyait les Jésuites coupables. Ce massacre général, ces empoisonne- ments, ces incendies dont il les accusait avec tant de véhémence