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136 LE PÈRE DE LA CHAIZE. en public, n'éveillaient, dit-on, sur ses lèvres, dans la vie intime, qu'un sourire d'incrédulité. Il eut même le cynisme de s'écrier au milieu de la Commission d'enquête : « Et ne voyez-vous pas que plus notre complot est extrava- gant, plus le peuple,ivre de merveilleux, sera crédule? quel que puisse être leur témoignage (en désignant Oates et les autres faux témoins), gardons-nous de l'aifaiblir. Ces gens là semblent tomber du ciel même pour sauver l'Angleterre du papisme et de la tyrannie. » L'accusation passionnée de Shaftesbury avait porté au comble les fureurs de la multitude. Le parlement sut exploiter habile- ment les craintes vraies ou supposées de l'anglicanisme. Lord Arundel, le comte de Powis, le comte de Stafford, lord Peters, lord Castelmaine, lord Bellassis, accusés d'avoir fait partie de la conspiration,' furent écroués à la Tour de Londres où étaient déjà prisonniers les six pères Jésuites. On hâta le dénouement du procès, ou pour mieux dire la condamnation des principaux accusés. Le jury, après avoir fait prêter à Oates le serment prescrit par la loi, prononça son verdict sur cette unique preuve. Colman et les six Jésuites furent condamnés à mort, et plus de dix mille catholiques, parmi lesquels des princes et de très-hauts per- sonnages, furent bannis d'Angleterre. A quelque temps de là , le comte de Stafford, l'un des plus fermes soutiens de la cause royale, porta sa tête sur l'échafaud, sans que Charles Stuart fît le moindre effort pour le sauver. Quelques écrivains protestants accueillirent sans examen les accusations d'Oates, et se firent même un honteux trophée du supplice des six martyrs de la Compagnie de Jésus. Benoist, dans sa fanatique Histoire de l'Edit de Nantes, ne rougit pas de parler de cette prétendue conspiration, comme d'un fait irrécusable. « Les Jésuites de France, dit-il, et particulièrement La Chaize, confesseur du roi, se trouvèrent mêlés si avant dans ce terrible complot, ils furent si sensibles à la punition qui fut faite de leurs émissaires, qu'ils résolurent de s'en venger, etque ne pouvant le faire sur les réformés d'Angleterre, où leurs mesures étaient