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302 LES DEUX SOEURS DE COBOHNK. Sur la croisée agreste on voyait étalées En vases indigents de roses giroflées, Luxe de la jeunesse et de la pauvreté Qui souriaient en paix au seuil déshérité. Pour unique ornement, la chambre étroite et nue Possédait de Marie une blanche statue Dont le front couronné d'immortelles des champs S'élevait plein de grâce et de charmes touchants. Un bénitier baignait dans sa coupe d'argile Des buis de la montagne une branche immobile, Triste et sombre rameau des funèbres adieux Et des derniers baisers quand l'âme monte aux cieux. La couchette modeste et de blanc décorée Comme pour un hymen semblait être parée, Mais elle était ouverte et la forme d'un corps Naguère en la pressant en affaissa les bords. Une jeune orpheline appuyée auprès d'elle L'arrosait de ses pleurs en sa veille cruelle ; Pareille à la nuée une immense douleur Sur son front de seize ans répandait la pâleur ; Des rustiques travaux ses traits portaient la trace Et conservaient pourtant cette ineffable grâce De la jeunesse unie à la virginité ! Comme un nimbe céleste autour de sa beauté, En larges tresses d'or, sa longue chevelure Encadrait chastement sa naïve figure ; Ses vêtements de lin imprégnés de pudeur Avaient cette mystique et suave couleur Du saphir transparent, du ciel des nuits sereines, Et du manteau d'azur des martyres chrétiennes ; Son regard simple et bon s'arrêtait tour à tour Aux cieux étincelants, aux cimes d'alentour Dont les astres lointains éclairaient les grands chênes ; Et de mille parfums recueillant les haleines Le riant mois de mai jusqu'à la vierge en pleurs