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LE PÈRE DE LA CHAIZE. 303 attributs de la royauté, mais il en était en quelque sorte un des devoirs les plus obligatoires. Plusieurs mémoires des Prélats du royaume sur cette question capitale de la coercition, nous ont été conservés ; on peut les lire dans la correspondance de Bossuet. Tous sont unanimes à recon- naître hautement le droit qu'a l'autorité publique, non seulement de supprimer le culte extérieur des religions dissidentes, mais eneore d'exercer une certaine contrainte pour obliger les héré- tiques à rentrer dans le sein de la vraie communion. Les prélats citent à l'appui de leur opinion les antiques usages de l'Eglise en cette matière, les lois de plusieurs Empereurs, la doctrine de plusieurs Pères et de plusieurs grands Saints. Saint Augustin a dit « qu'il fallait contraindre les hérétiques, afin qu'ils commen- cent à être tout de bon ce qu'ils avaient voulu feindre : Ut in- cipiant esse quod decreverant fingere. » Dans ses lettres à Vincent et au comte Boniface, le même Saint s'exprime ainsi à propos des Donatistes : « 11 ne faut point regarder si l'on force, mais à quoi l'on force ; laisser un hérétique dans sa liberté, c'est comme si on laissait un léthargique dans son assoupissement, ou si on abandonnait un frénétique à sa fureur. » Et il ajoute : « que si ceux que la charité attire sont meilleurs, ceux que la crainte corrige sont en plus grand nombre ; que la nécessité qui contraint à faire le bien est toujours avan- tageuse ; que si, dans la multitude de ces conversions, il y en a quelques-unes qui soient feintes et hypocrites, elles peuvent devenir sincères dans les suites ; et que les hérétiques ou les schisma- tiques obligés par la force à s'appliquer à la considération de la vérité, se désabusent enfin de leurs erreurs dans un examen qu'ils n'auraient jamais fait, s'ils n'avaient été contraints par l'autorité (i). » Les prélats rappelaient, à propos de ces mêmes Donatistes, la conduite des évêques d'Afrique, qui implorèrent contre eux la puissance séculière. Ils citaient les avis de plusieurs savants (1) La traduction de ce passage de saint Augustin est de Bossuet. Voir la correspondance de l'évcquc de Meaux, Ed. du Panthéon littéraire