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300 Lli PÈRE DE LA CHAIZE. On ne peut s'empêcher, à cette occasion, de faire un rappro- chement assez triste entre la conduite des protestants et celle des premiers chrétiens. Tandis que les martyrs, plutôt que d'abjurer leur croyance, avaient supporté jusqu'à la mort les plus cruels supplices, on vit les autres céder mollement à la seule crainte de loger des dragons. Fénelon lui-même, dont personne ne contestera l'évangélique douceur, Fénelon ne pouvait s'empêcher déjuger très-sévèrement sur ce point les hérétiques : « Les huguenots, mal convertis, écrivait-il à Bossuet, le 8 mars 1686, sont attachés à leur religion jusqu'au plus horrible excès d'opiniâtreté ; mais dès que la rigueur des peines paraît, toute leur force les aban- donne. Au lieu que les martyrs étaient humbles, dociles, intré- pides et incapables de dissimulation, ceux-ci sont lâches contre la force, opiniâtres contre la vérité, et prêts à toutes sortes d'hypocrisies. Les restes de cette secte vont tomber peu à peu dans une indifférence de religion pour les exercices extérieurs, qui doit faire trembler; si on voulait leur faire abjurer le chris- tianisme et suivre TALCORAN, il n'y aurait'qu'à leur montrer des dragons... C'est un redoutable levain dans une nation. Ils ont tellement violé parleurs parjures les choses les plus saintes, qu'il reste peu de marques auxquelles on puisse reconnaître ceux qui sont sincères dans leur conversion. » Quoi qu'il en soit, l'extrême facilité avec laquelle les conversions avaient lieu, causa, dans les premiers moments, un étonnement et une joie universelle. Les intendants, pour se faire bien venir du marquis de Louvois, renchérissaient encore sur le nombre des nouveaux convertis. On lit dans les lettres du duc de Noailles, commandant en Languedoc, « que le P. de la Chaize recevait de la même province des relations plus infidèles encore, et que les correspondants secrets de ce confesseur du Roi, « empressés, dit le maréchal, à se faire He fête, annonçaient des conversions qui riétoient pas encore faites, et en exagéroient le nombre et la facilité. » (1) Tous les jours les rapports des intendants étaient mis sous les yeux du Roi. « Point de courrier, écrivait de Cham- (1) Voir les Éclaircissements sur la Révocation, par Rulhièro, t. 1,