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BIBLIOGRAPHIE. 24!) cères quand les écrivains mettent, en guise de préface, des vers pareils à ceux-ci sur la première page de leur livre ? 0 vous que je fis naître, ô feuilles printannières, Prêle espoir de l'été, quel sera votre sort? Sous les dards acérés des critiques arriéres Allez-vous rencontrer la mort ? De la sottise louche et de la raillerie Le venin corrupteur viendra-t-il vous flétrir? Sous l'ongle sans pitié de la boiteuse envie, Demain, vous verra-t-on périr ? Qu'ai-je fait? Je vous livre aux chenilles rongeuses ; De ces insectes vils ah ! comment vous sauver? De la bise tardive et des nuits orageuses Rien ne pourra vous préserver. Nous le répétons, si tous ceux qui tiennent la plume entraient ainsi en matière, le critique délicat et fier abandonnerait bien vite son travail et laisserait les écrivains sans probité chanter seuls les louanges de tout livre et de tout auteur. Les vers en seraient-ils meilleurs et les poètes marcheraient-ils d'un pas plus léger à la postérité? nous ne le croyons pas. Zoïle n'a ja- mais nui à la renommée d'Homère, et les louanges de Vadius n'ont jamais rendu bons les sonnets de Trissotin. Quelle que soit la susceptibilité des hommes de lettres nous croyons donc qu'on doit la vérité sincère à ceux qui ont assez de talent et d'avenir pour en faire profit; aux autres les poli- tesses d'usage ou le silence. Dans les campagnes on ne cherche à soutenir que la vigne féconde, on ne redresse et on ne lie au tuteur que le jeune arbre dont on attend des fruits. M. Barbier, de Bourg, un voisin, l'élégant auteur des Feuilles d'avril, touche encore à l'extrême jeunesse. Plein de vie et de sève, il promet beaucoup et son livre a des qualités qui font bien augurer de l'avenir. Que ses amis ne le gâtent pas, que son goût s'épure, et dans quelques années il aura tenu tout ce que nous annonce sa gracieuse et poétique imagination. La seule chose qu'on pourrait aujourd'hui reprocher à M. Bar- bier et qu'il nous pardonne la sévérité de notre critique, c'est d'avoir eu trop de tendresse pour quelques pièces enfantées pro- bablement au collège, et qui auraient dû être soigneusement éla- guées de son recueil. Quand on s'appelle Hugo ou Lamartine les éditeurs publient avec empressement et le public lit avec curio- sité les premiers essais d'un génie qui a donné des chefs-d'œu- vre ; on étudie ces bribes inconnues comme on touche avec res- pect les premiers vêtements, les humbles jouets qui ont appar- tenu à un héros, mais, à son entrée dans le monde, on ne doit pas soi-même exhiber ces reliques intimes, si précieuses soient-