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i88 LE PÈRE DE LA CHAIZE. niste savaient parfaitement à quoi s'en tenir sur la prétendue perpétuité de l'Édit. Dès l'année 4643, Grotius, quoique hérétique, ne craignait pas de dire à ses coreligionnaires : « Que ceux qui adoptent le nom de réformés se souviennent que ces édits ne sont point des traités d'alliance, mais des décla- rations des rois qui les ont portées en vue du bien public et qui les révoqueront si le bien public l'exige » (1). Rien n'est donc plus évident, en principe, que le droit qu'avait Louis XIV de révoquer l'Édit de Nantes. Examinons maintenant, si, par leurs doctrines et par leurs actes, les protestants avaient fourni des motifs suffisants pour que l'on recourût à cette mesure. Un publiciste dont les productions ne sont pas assez dégagées de passion pour que l'on se rende à ses opinions sans examen , un publiciste a prétendu dernièrement, « que le caractère vio- lent et séditieux de la prédication calviniste ne se dessina qu'après la Révocation, et par l'effet même de cette terrible mesure (2). » Et il ajoute « que les premières invocations aux peuples contre les princes, que les premiers cris des passions révolutionnaires en Eu- rope , furent provoqués par un caprice du despotisme et par la confiance d'un pouvoir enivré de sa force et de sa fortune. » En avançant cette opinion, M. de Carné n'a-t-il pas commis une erreur de date, et n'a-t-il pas pris ainsi l'effet pour la cause ? Ne sait-on pas que c'est précisément au milieu du siècle de Louis XIV, que furent publiés les plus importants ouvrages de controverse pour et contre le protestantisme ? N'est-ce pas longtemps avant la révocation de l'Edit de Nantes, (pie l'on vit apparaître les Claude, les Basnage, les Bastide, les Ferri, les Jurieu, et que Bossuet consacra une partie de sa noble carrière à les réfuter ? Si la suppression de l'Édit de Nantes amena une nouvelle recrudes- (!) Norint illi qui reformatorum sibi imponunt vocabulum, non esse illa fsedera, sed regum edicla, ob publicam facta ulilitatem , et revocabilia, si aliud regibus publica ulilitas suascrit. (Rivcliaui apologct. pro schisraate etc. p. 22). (2) Correspondant des 25 août et 25 octobre 1856. La politique de Louis XIV dans les affaires religieuses, par le comte de Carne.