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88 LE PREMIER PUITS ARTÉSIEN nation européenne n'en a devant elle de semblable. Un avenir qui sera long, mais qui n'a plus rien de chimérique, se déroule a nos yeux. Ce n'est la ni une entreprise d'un règne, ni une gloire d'un jour; c'est l'œuvre d'une nation, et ce sera la gloire d'un siècle entier. Quelque importante que soit cette conquête pour la fortune de la France, elle a encore un autre caractère d'un ordre plus général et plus élevé ; nulle pari ne s'est mieux révélé la constance et le désintéressement de notre génie national ; nous avons montré que nous étions capables des longs efforts et de la persévérance qu'exigent des entreprises séculaires. Quant aux sacrifices, nous en avons fait d'assez grands et d'assez glorieux pour en être fiers. Nous pouvons vanter le dévoûment de nos armées, et le beau spectacle qu'elles ont donné tant de lois, et ce prestige dont elles ont entouré notre nom au sein de populations étonnées maintenant, non pas de notre victoire, mais de la puissance de notre civilisation. C'est plus qu'une conquête ; c'est une assimilation déjà commencée de cette race arabe, dont les mœurs, les préjugés, les croyances et douze cents ans de traditions hostiles semblaient faire l'ennemie irréconciliable des peuples chrétiens. La voilà qui vient à nous, d'un pas encore incertain, mais poussée par une force qu'elle ne méconnaît plus, et qui sait jusqu'où ce rapprochement n'ira pas? Ce qui était hier impossible, aujourd'hui a cessé de l'être. La tradition des croisades est encore vivante. Un des plus grands spectacles que le moyen âge nous ait laissés est celui de ces deux siècles pendant lesquels l'Europe, ayant la France à sa tête et au premier rang, a consacré ses plus nobles efforts, dépensé ses trésors, versé son sang, pour reprendre possession de l'Orient, pour arrêter dans son cours et re- fouler vers sa source l'Islamisme alors victorieux. Cepen-