page suivante »
652 LÀ REVUE LYONNAISE FÉNBLON A CAMBRAI d'après sa correspondance de 1699 à 1715, par M. EMMANUEL DE BROGLIE. — Pion, lib. Paris, 1884, 1 vol. in-8, 450 p. Gomme son titre l'indique, ce n'est pas une biographie complète de l'illustre archevêque de Cambrai que M. Emmanuel de Broglie s'est plu à donner dans ce livre. Il ne s'est attaché à peindre Fénelon que dans la partie la moins con- nue de sa vie, c'est-à -dire celle qui s'étend, depuis le jour de son injuste exil à Cambrai, jusqu'à l'heure où il rendit à Dieu sa belle âme, épuisé par les fatigues de son saint ministère dans le gouvernement de son vaste diocèse; cette période est pourtant, peut-être, la plus importante de cette existence si bien remplie. Pour l'écrire, M. de Broglie s'est servi presque uniquement de la correspon- dance de l'archevêque lequel lui a ainsi, comme dicté lui-même, sa propre bio- graphie, et l'a aidé à lui assigner la vraie place qu'il doit occuper dans cette grande époque qu'on nomme le dix-septième siècle. En effet, comme le remarque si bien M. de Broglie, la renommée de Fénelon, quelque grande qu'elle soit, était restée jusqu'à présent incertaine, comme nébuleuse, et cette incertitude a rendu les jugements portés sur ce grand caractère singulièrement superficiels. L'école philosophique du siècle dernier, entre autres, n'est-elle pas allée jusqu'à transformer Fénelon en une sorte de philosophe inavoué dont la douceur tolé- rante cachait mal le scepticisme réel l Mais grâce à la profonde étude que M. de Broglie a faite du moindre des actes et des plus intimes pensées de l'immortel auteur du Télémaque, on voit enfin Fénelon, non plus à travers des nuages, mais réellement tel qu'il fut. A côté de l'écrivain d'un si rare mérite, on ren- contre une de ces âmes d'élite qui se consument à la poursuite de la perfection morale, sans cependant perdre le goût ni le besoin de l'activité pratique. A côté du chrétien qui semble vouloir se perdre dans la contemplation passive des choses divines, on trouve un esprit ouvert, généreux, passionnément épris du bien de de l'État et du bonheur des peuples. La disgrâce même n'a rien pu sur ce). homme naturellement fier qui a conscience de sa valeur et sait rester debout devant un pouvoir dont l'éclat éblouissait les meilleurs esprits. M. de Broglie pour peindre Fénelon sous ces divers aspects, a divisé son étude en huit chapitres. Après une rapide notice sur la première partie de la vie de l'archevêque consa- crée à l'éducation du duc de Bourgogne, à ses travaux littéraires, à ses discus- sions théologiques pour la défense de son livre des Maximes des Saints, con- damné par le Souverain Pontife, il le suit à son lieu d'exil, à Cambrai. Loin de la cour de Versailles qu'il regrette pourtant, triste et affligé de la disgrâce qu'i I a encourue près de Louis XIV, circonvenu par les jansénistes, Fénelon s'y ar- range une nouvelle vie. Pasteur d'un immense troupeau réuni, récemment à la France, il se consacre tout entier aux soins que demandent ses ouailles et à leur faire aimer le souverain qui les a conquis par la force des armes et peut-être malgré elles. Dans cette noble pensée, il multiplie ses visites pastorales quelque contraires qu'elles soient souvent à sa frêle santé, et c'est un véritable apostola' qu'il entreprend. Ces fatigues deviennent même bientôt plus pénibles. La fortune capricieuse abandonne le grand roi jusqu'alors toujours victorieux, les revers les plus cruels frappent nos armées, nos provinces du nord sont envahies ; Fénelon n'écoutant que son devoir et son patriotisme fait de son palais un hôpital pour les blessés, donne jusqu'à sa dernière obole pour faire la pave de la garnison de Saint -