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BIBLIOGRAPHIE 653 Omër qui va livrer la place à l'ennemi. Son patriotisme est douloureusement af- fecté de tant de revers après tant de succès ; il lui inspire les plus hautes pen- sées politiques sur les désastres de la France, sur le moyen d'arriver à une paix sans trop de honte ; il écrit au roi pour les lui exposer quoique le roi eût été presque cruel pour lui. Les jansénistes affligent de leur côté le cœur de Fénelon parleurs nouvelles attaques qu'il ne peut laisser sans réponse, et la vie du prélat achève de s'user ainsi dans les plus pénibles émotions. La mort fauche autour de lui ses meilleurs amis. Son élève chéri, le duc de Bourgogne lui est enlevé par une maladie foudroyante, encore mystérieuse, les ducs de Ghevreuse et de Beauvilliers, les courageux courtisans de sa disgrâce succombent aussi et un videimmense so fait autour de lui : mais si son grand cœur ne selaisse pas abattre, sa santé ne résistera pas à de si cruelles secousses, et il descend enfin lui-même dans la tombe pleuré et admiré par ses amis, et par son troupeau auquel il avai4 donné, tout donné, son temps, sa fortune et sa vie. Avec lui s'est terminée cette longue série d'esprits supérieurs, de génies qui tous avaient un trait commun la croyance ferme et inébranlable dans les vérités religieuses; c'est ce qui donne à cette époque un caractère de grandeur et de force qui n'appartient qu'à elle. Fé- nelon mort, le siècle est clos, tout va changer dans la littérature comme dans le reste. Gomme on le voit, le récit si bien fait par M. de Broglie d'une vie si bien remplie est du plus saisissant intérêt, et en nous montrant Fénelon sous son véri- table jour dans la seconde moitié de sa belle existence il a rendu un véritable ser- vice à tous ceux qui se plaisent, pour oublier les tristesses de nos temps actuels, à remonter par la pensée à cette grande époque où les plus nobles sentiments animaient ceux que Dieu avait placés aux sommités de l'État et qu'ils ont si glorieusement dirigé. X. X. LETTRES DE M. GUIZOT A SA FAMILLE ET A SES AMIS, recueillies par Mm* DE W I T T , née GUIZOT. — Paris, Hachette, 1834. Un vol. in-16, prix : 3 fr. 50. Ce n'est pas l'historien seul qu'intéressent les détails de la vie et de la pensée des citoyens illustres. Non moins puissant est leur attrait pour l'homme qui fait son étude de l'examen désintéressé des caractères et qui se plaît à rechercher, dans leur développement, les manifestations complexes de la conscience humaine. C'est à ce double titre que se recommandent au lecteur les Lettres de M. Gui- zot à sa famille et à ses amis, qu'a recueillies lapiétié filiale deM me de Witt et qui viennent de paraître à la librairie Hachette. Cette publication est le com- plément de celles qu'avait déjà faites la fille du ministre de Louis-Philippe. M. Guizot, dans l'intimité, n'apparaît guère dissemblable de ce qu'il fut dans la vie publique. Une foi religieuse profonde, un vif sentiment de dignité, une grande noblesse d'âme, en même temps une certaine raideur qu'on aimerait à voir s'humaniser davantage, tels sont les traits saillants de l'homme, à le juger par cette correspondance. Toujours, à de rares exceptions près, dans ses moin- dres lettres, perce la préoccupation des affaires politiques, et aussi le souci des travaux littéraires auxquels il consacre ses rares loisirs et qui ne sont pas un de ses moindres titres de gloire. Il y a toujours profit moral à s'entretenir avec des hommes d'intelligence élevé e et de mœurs droites, ou à méditer les œuvres qu'ils ont laissées. Maintenant, plus peut-être qu'à n'importe quelle époque de notre histoire, la lecture des lettres