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654                         LA REVUE LYONNAISE
de l'illustre homme d'Etat serait salutaire aux politiciens qui semblent avoir la
direction de l'esprit public. « J'aurais pu bien souvent, écrit M. Guizot, pendant
que j'ai été dans les affaires, augmenter beaucoup ma fortune sans manquer à
ce que le monde appelle la probité ; mais en toutes choses, et pour ma vie privée
comme pour ma vie publique, c'est moi-même que je consulte et que je crois, et
non pas le monde. Je n'ai donc jamais voulu d'autre moyen de fortune que l'or-
dre, je me suis promis une fois pour toutes de ne jamais tenir compte dans ma
vie publique d'aucune considération d'intérêt privé. J'ai agi de la sorte jusqu'à
présent. Je ne changerai certainement pas. » Quel enseignement et comme les
scandales honteux qui font retentir tous les jours les échos du Parlement et qui
remplissent les colonnes des journaux font mesurer la distance qui sépare nos
mœurs publiques actuelles de celles d'alors !
   De quelque côté qu'on les envisage, ces lettres, qui touchent à tous les sujets,
sont intéressantes, et il eût été regrettable de les voir ensevelies dans l'oubli.
M m6 de Witt, en les publiant, a non seulement accompli un devoir que sa véné-
ration pour son père a dû lui faire paraître bien doux, mais encore elle a enrichi
le trésor littéraire de la France d'un livre digne à tous égards d'y prendre place.
                                                                 C H . LA V E N I R .



      LA VIE NOMADE ET LES ROUTES D'ANGLETERRE AU XLVE SIÈCLE,
        par J.-J. JUSSERAND. — Paris, Hachette 1884. — Un vol. in-16. Pr. : 3 fr. 50.

   C'est un chapitre inédit et non pas des moins intéressants de l'histoire d'An-
gleterre que M. Jusserand ajoute aux ouvrages déjà publiés par lui sur ce pays.
Après avoir tracé le tableau de l'état des routes et des ponts au moyen âge,
indiqué avec l'appui des documents législatifs et des textes historiques la façon
dont il était pourvu à leur construction et à leur entretien, l'écrivain fait défiler
sous les yeux du lecteur tous les hôtes nomades du grand chemin, toute la
bohème errante du quatorzième siècle, ceux qui, poussés par un instinct inné de
vagabondage, vivent librement en plein air, et ceux qu'une nécessité terrible
contraint à n'avoir d'autre abri que la voûte du ciel et le dôme verdoyant des forêts.
   Curieuse variété de types! Voici les marchands de drogues, les bouffons, les
jongleurs, les musiciens, les chanteurs ambulants: ceux-là suivent le grand che-
min, il y a place pour eux à la table du cabaret et chez le seigneur qu'ils diver-
tiront un moment. Mais dans les sentiers détournés se glissent les larrons de
toute sorte, lie de la plus haute et de la plus basse classe, les ouvriers errants,
tous les outlaws, proscrits qui, suivant la naïve et atroce expression d'un légiste
du temps, portent une tête de loup que tout le monde peut abattre. Le monde
ecclésiastique n'est point oublié. Il y a les prêcheurs, les frères mendiants et ces
étranges marchands d'indulgences qu'on appelait pardonneurs : ajoutons encore
les pèlerins.
   L'énumération faite par M. Jusserand est-elle tout à fait complote ? On est
étonné de ne voir figurer dans sa collection aucun type féminin. N'y avait-il
point déjà de vagabondes, de ces trampesses qu'a peintes M. Hector France dans
ses Va-nu-pieds de Londres?
   Quoiqu'il en puisse être de cet oubli, vrai ou supposé, le livre dont je parle est
intéressant, consciencieux et fait espérer que l'auteur continuera ses travaux sur
la vie anglaise au moyen âge, sujet neuf et plein d'attrait. CH. LA VENIR.