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SOUVENIRS DU fiOMTE ARMAND DE S A I N T - P R I E S T 119 nombreuse famille composée, outre plusieurs fils, de filles d'âges divers, dont quelques-unes pouvaient être citées pour leur joli vi- sage. Je suis bien obligé déparier de notre instituteur ; si je l'omet- tais, ce serait une lacune dans ces souvenirs, et cela jetterait de l'obscurité sur quelques circonstances qui se produisirent plus tard. Force est donc de revenir sur ce personnage, en ce qui con- cerne ses relations avec nous. J'ai dit que nous lui avions été confiés vers l'an 1787, époque où mon père fut nommé à l'ambassade de Hollande. Il lui avait été for- tement recommandé par l'abbé Marie, précepteur des ducs d'An- goulême et de Berry, qui était bon latiniste, et surtout savant mathématicien. Cette dernière science était aussi le fort de notre instituteur qui, comme je crois l'avoir dit, a publié, en effet, des ouvrages estimés sur ce sujet. Je regrette d'avoir à ajouter que c'était là tout ce que l'on peut en citer de bon. Mais ce fut son mérite incontestable dans la science mathématique qui décida le choix qui fut fait de sa personne; devant être utile, surtout pour mon frère aîné qui montrait des dispositions pour les sciences exactes dans lesquelles il se distingua depuis. Il faut dire qu'il s'acquittait fort bien de la partie de sa tâche pour laquelle il avait été recommandé. Il ne laissa pas, toutefois, de donner libre cours aux injures, aux soufflets et aux coups de poing qui entraient dans son système d'édu- cation, système, comme je l'ai déjà lait observer, en usage chez la plupart des instituteurs de cette époque. Gependaut, comme son élève montrait de l'application, il ne tarda pas à faire des progrès qui flattèrent l'amour-propre du pédagogue, et il se radoucit bien- tôt à son égard. Les problèmes se résolurent alors tranquillement ; mais, comme il fallait cependant un alimenta son caractère irascible, ce fut désormais sur moi qu'il s'exerça. J'étais en effet entêté et peu appliqué. L'abbé m'accusait, en outre, d'avoir un mauvais carac- tère, et me fit cette belle réputation auprès de mes parents. Je ne sais si elle était fondée; en tous cas, le régime auquel je fus mis, était bienfait pour développer en moi cette disposition. J'en devins donc quelque peu aigri. Je n'avais d'ailleurs ni recours ni refuge; mes parents, déjà prévenus contre moi, ne me voyaient que très rarement; mon père, parce qu'il était absorbé par les soins de son ministère, tandis que ma mère l'était par ceux de la représentation.