page suivante »
238 LA R E V U E LYONNAISE primée à la faveur d'une permission royale accordée pour un autre ouvrage. Le roi devint furieux. Voltaire essaya de nier; mais l'im- primeur arrêté fit tout connaître. Frédéric écrivit alors à son ancien courtisan ce billet bien connu : « Votre efronterie m'étone après ce que vous venes de faire et qui est clair come le jour. Vous persistes au lieu de vous avouer cou- pable. Ne vous imaginés pas que vous frez croire que le noir est blang ; quand on ne voit pas, c'est qu'on ne veut pas tout voir ; mais si vous poussés l'affaire à bout, je ferai tout imprimer, et l'on verra que si vos ouvrages méritent qu'on vous élève des statues, votre conduite vous mériterait des chaînes. L'éditeur est interrogé, il a tout déclaré. » — « Ah! mon Dieu, Sire, répond aussitôt Voltaire, dans l'état où je suis! (Toujours des maladies! elles lui ont servi pendant quatre- vingts ans.) Je vous jure encore sur ma vie, à laquelle je renonce sans peine, que c'est une calomnie affreuse. Je vous conjure de faire confronter tous mes gens. Quoi ! vous me jugeriez sans en- tendre ! Je demande justice et la mort. » Le 24 décembre 1752, la Diatribe fut brûlée à Berlin par la main du bourreau. Voltaire sollicita aussitôt un congé, sous prétexte de se rendre aux eaux de Plombières. Frédéric le lui accorde à la con- dition qu'il lui remettra sa clef de chambellan, la croix de l'ordre prussien du Mérite, son titre de pension, et surtout le volume des poésies royales qui lui avait été confié. Le 1er janvier 1753, Vol- taire écrit sous les yeux du chevalier de La Touche, envoyé diplo- matique de France, la lettre suivante : « Sire, pressé par les larmes et les sollicitations de ma fa- mille, je me vois obligé de mettre à vos pieds mon sort et les bien- faits et les distinctions dont vous m'avez honoré... Ma résignation est égale à ma douleur... Il est dur de partir dans cette saison quand on est accablé de maladies, mais il est encore plus dur de vous quitter... J'avais fait de vous mon idole; un honnête homme ne change pas de religion ; et seize ans d'un dévouement sans bornes ne peuvent être détruits par un moment de malheur. Je me flatte que de tant de bontés il vous restera envers moi quelque humanité ; c'est ma seule consolation, si j'en puis avoir une. » Le lendemain du îouroù il écrivait ces lignes suppliantes, il re- >