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               UN MANUSCRIT DE LA LÉGENDE DORÉE                                      601
 delaissast la coustume de son abstinence, il retournoit après ces labours par lui faictes
 en jeun cœur en sa maison. Car nulement ne se vouloit acorder de mengier auec
 personne qui le priast. Il auoit lesperit de prophesie car il prophetiza vng reclus
 apparoir par vice de conuoitise laquelle chose sensieuy, car le meschant non pas
 longuement après soy départant de tout en tout de la voie de penitance et de salut
 et alant dampnablement voies non pas bonnes. Mais après ses pechies jusques
 à sa fin labouroit tout par tout en appaisant discordes de tout son pouoir et ceulx
 quil ne pouoit acorder par ses admonnestemens rapelloit tantost aconcorde son
 oroison faitte a Dieu.
    On ne porroit raconter ne onques ne fu veu en nostre temps la grant charité
 pitié et miséricorde quil auoit enuers les poures souffreteux femmes vefues et
 orphelins tout le temps de sa vie, car tout ce quil receuoit ou pouoit auoir tant
 des biens de sainte église corne de son patremoine il donnoit aux dessus dis poures
 sans nulle différence.
    Quant il demouroit a Resnes, lui estant officiai de larcediacre et aussi auant quil
 muast sa vie, il faisoit aux grans]festes solempnelles appareillier viandes large -
 ment et a heure de disner, la grant porte de son hostel ouuerte, il faisoit venir les
 poures pour mengier et leur administroit de ses propres mains. Et après il
 mangoit auec. II. poures enfans lesquels pour lamour de Dieu il soutenoit a les-
 cole le mieulx quil pouoit. Des poures enfans orphelins estait il tous jours curieux
et aussi comme leur père, les enuoyoit a lescole en les soustenant de son propre
et si paioit aussi les salaires de leurs maistres ; il vestoit curieusement les poures
nuds et indigens de nostre Seigneur.
    Il aduint vne fois quil auoit fait faire pour lui mesmes vne cotte et vng cha-
peron de drap tout vng, si les donna a vng poure, ayant greigueur plus grande
cure des poures que de son propre corps. Il tenoit hospitalité indiferament aux
 poures et aux pèlerins en vne maison laquelle il auoit ad ce fait faire, et leur
 administroit a mengier lit et feu po r eulx chaufer en tsmps dyuer. En quelcon-
 ques lieu que il aloit les poures souffreteux aourans a lui de toutes pars le
 sieuoient, car leur estait tout ce quil auoit. Il donnoit suaires aux poures tres-
passez et les portait en terre sainte avec les aultres poures et de ses propres
mains les mettait en terre.
    Il lui vint vne fois vng poure alencontre, mais il nauoit pour lors riens pour lui
donner, si lui donna son chaperon et demoura tout nu le col et la teste. Il estait
 de très aspre vie a son corps car il estoit si acoustume de estre en 'oroisons
 et en estude, que le plus de fois il passoit la nuit sans dormir. Et ne dormoit
jamais si non quil fest fort traueillie de estudier ou de cheminer. Et quant il
dormoit si se couchoit il sur la terre comme dessus est dit. Il mettoit dessoubz
 sa teste en lieu de oreillier aulcune fois son Mure et aulcune fois vne pierre. Il
portait continuelement sa haire sur sa chair et par dessus vne chemise destoupe
po r mucier sa haire.
    Quant il estoit encore officiai de la cite de Triguier, il vsait tant seulement
de pain gros et de potage comun aux laboureurs pour toutes viandes et ne beuuoit
sinon eaue froide. Et depuis celui temps il fu. xi. ans et jusques a sa mort que il
jeûna chascun an le karesme en pain et en eaue et samblablement chascun aduent
de nostre Seigneur et depuis la feste de lasceneion jusques a la penthecouste et
aussi en toutes les vigilles des quatre temps et vigilles de nostre Dame, des
apostres et aussi es aultres jeunes establies par leglise, il jeuno ten pain et en